Description
La Sterne de Dougall (Sterna dougallii) est un oiseau de mer qui ressemble à un petit goéland, mais qui a le corps mince, les pattes courtes et de longues ailes effilées, caractéristiques que l’on retrouve chez toutes les sternes. Elle s’apparente de près à la Sterne pierregarin (Sterna hirundo) et à la Sterne arctique (Sterna paradisaea) et se trouve fréquemment en leur compagnie, de sorte qu’il n’est pas facile de la discerner (voir les dessins). La Sterne de Dougall est d’un gris plus pâle que la Sterne arctique et que la Sterne pierregarin, et les pointes de sa queue sont beaucoup plus longues.
La Sterne de Dougall adulte mesure entre 33 et 34 cm de longueur et ses ailes ont une envergure de 72 à 80 cm. D’un poids d’environ 100 à 120 g, l’adulte est légèrement plus petite qu’une Tourterelle triste. Elle a le front et la nuque noirs tandis que le haut de ses ailes est d’un gris pâle. Sa queue est blanche avec des rectrices externes en fourche qui, en vol, ressemblent à de longs rubans. L’abdomen de la Sterne de Dougall est blanc, teinté de rose au début de la saison de reproduction; toutefois, ce trait distinctif n’est pas fiable lorsqu’il s’agit d’établir l’identité de cette espèce parce que la teinte varie d’un oiseau à l’autre et parce qu’elle a tendance à blanchir au soleil. Les pattes sont rougeâtres et le bec est surtout noir, bien que celui des oiseaux nicheurs puisse être rouge à la base. Les mâles et les femelles se ressemblent. La tête de l’adulte non reproducteur est marbrée de noir et de blanc.
La jeune Sterne de Dougall a le dos et le croupion tachetés de noir grisâtre, et le bec et les pattes foncés. Les oisillons sont couverts de touffes de duvet qui leur donnent une apparence hérissée; leurs pattes vont du violet foncé au noir.
Signes et sons
Toutes les sternes ont un sifflement criard, mais le cri dissyllabique (c.-à-d. comportant deux syllabes : kir-rick) distinctif de la Sterne de Dougall représente souvent la meilleure façon de confirmer sa présence dans une colonie.
Habitat et habitudes
La Sterne de Dougall fait son nid au sein des colonies de Sternes pierregarin et arctiques afin de profiter des avantages de la vie en colonie. Toutes les espèces de sternes se rallient pour menacer et houspiller les prédateurs qui les envahissent.
Caractéristiques uniques
Aujourd’hui, au Canada, on estime le nombre d’oiseaux nicheurs de cette espèce à moins de 140 couples concentrés sur quelques îles au large de la crête atlantique de la Nouvelle-Écosse. De petits nombres nichent aux Îles de la Madeleine, et un couple fait de temps à autre son nid à l’île Machias Seal, un refuge d’oiseaux migrateurs dans la baie de Fundy. Quelques-uns nichent à l’île de Sable.
Aire de répartition
La Sterne de Dougall se reproduit sur les côtes et les îles des tropiques le long des océans Indien, Pacifique et Atlantique, et dans les zones tempérées de l’Amérique du Nord et de l’Europe, en Afrique du Sud et dans l’Ouest de l’Australie.
Seulement 3 p. 100 de la population se reproduit au Canada, laquelle région constitue la limite nord de son territoire de reproduction. Aujourd’hui, au Canada, on estime le nombre d’oiseaux nicheurs à moins de 140 couples concentrés sur quelques îles au large de la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse. De petits nombres nichent aux Îles de la Madeleine, et un couple fait de temps à autre son nid à l’île Machias Seal, un refuge d’oiseaux migrateurs dans la baie de Fundy. Quelques-uns nichent aussi à l’île de Sable.
En Amérique du Nord, la Sterne de Dougall adulte revient de son aire d’hivernage (voir la carte) et arrive dans sa colonie de nidification en mai. Elle quitte la colonie peu après que ses jeunes ont pris leur envol. À la fin de juillet, les sternes commencent à se rendre aux aires de repos, comme l’île de Sable (Nouvelle-Écosse), Cape Cod (Massachusetts) et Long Island (New York), migrant quelques semaines plus tard vers leur aire d’hivernage au large des côtes d’Amérique du Sud. Des données fondées sur des oiseaux bagués (c.-à-d. des oiseaux auxquels on a fixé une bague d’aluminium numérotée à la patte pour permettre de suivre ses déplacements), ont révélé que certaines sternes se trouvent en Guyane en novembre et en décembre; toutefois, on ne sait pas exactement où elles passent les mois de janvier à avril. Tout récemment, certaines ont été découvertes dans l’est du Brésil. On croit qu’elles pourraient aller en mer et devenir pélagiques. (Un oiseau pélagique vit en haute mer sans revenir vers la rive.)
Alimentation
Les Sternes de Dougall s’alimentent de petits poissons d’eau salée, surtout de lançons, mais aussi de merluches blanches, de jeunes harengs, de maquereaux, de gadidés, de morue, de goberges et d’églefins. Elle plonge dans l’eau, en plein vol, pour attraper sa proie et peut s’immerger complètement puis « voler » sous l’eau sur de courtes distances à la poursuite de poissons. Les sternes préfèrent pêcher dans des rides (c.-à-d. des zones d’eau turbulente où les courants de marées se rencontrent) et d’autres eaux agitées et peuvent s’aventurer à 20 km de leur colonie à la recherche de nourriture. Les oiseaux portent habituellement un poisson à la fois dans leur bec mais, de temps à autre, ils en ont plus. Ils volent parfois le poisson d’autres sternes et sont souvent eux-mêmes victimes de la piraterie des goélands, des corneilles et des corbeaux.
Haut de la pageReproduction
Il semble que les oiseaux immatures restent dans le Sud pendant leur premier été. Un grand nombre d’oiseaux âgés de deux ans retournent à leur colonie de nidification et, bien que quelques-uns se reproduisent, la plupart des jeunes Sternes de Dougall attendent d’avoir trois ou quatre ans.
Dès que la Sterne de Dougall arrive dans sa colonie de nidification, entre le début de mai et la mi-mai, les couples commencent leurs parades nuptiales. Ces comportements englobent un vol rituel compliqué pendant lequel le mâle, portant souvent un poisson dans le bec, s’élève en spirale haut dans les airs, suivi de près d’une femelle ou de plusieurs; le mâle et la femelle qui est en tête descendent ensemble en planant en zigzag. Le nourrissage nuptial (c.-à-d. présentation de poisson du mâle à la femelle) aide à compenser l’énergie que la femelle consacre à la ponte.
La Sterne de Dougall choisit souvent des sites de nidification abrités et cache habituellement son nid sous des herbes denses et d’autres plantes, rochers ou débris rejetés sur le rivage. En fait, le nid est à peine plus qu’un espace dégagé dans le sable ou les débris.
Les oiseaux commencent à pondre leurs œufs vers la fin de mai. Ils pondent habituellement un ou deux œufs à deux ou trois jours d’intervalle et l’incubation (c.-à-d. le réchauffement des œufs jusqu’à l’éclosion) commence une fois la ponte terminée. À tour de rôle, les parents couvent les œufs pendant 23 ou 24 jours. Après l’éclosion, les oisillons restent près du nid où ils sont protégés et nourris par les deux parents. Les oisillons quittent le nid après plusieurs jours pour trouver de nouvelles cachettes. Bien que certains parents parviennent à élever deux oisillons jusqu’à l’envol, l’un des petits meurt habituellement de faim. En effet, les adultes, qui doivent parfois parcourir de longues distances pour trouver de la nourriture, ne peuvent fournir toute la nichée. Les oisillons volent de 25 à 28 jours après l’éclosion et quittent la colonie avec leurs parents quelques jours plus tard. Ces derniers s’occupent des oisillons pendant au moins six semaines après leur envol, jusqu’à ce qu’ils apprennent à pêcher seuls.
Conservation
Compte tenu d’une population mondiale totale d’environ 50 000 couples, la Sterne de Dougall n’est pas considérée comme étant en voie de disparition partout dans le monde. Toutefois, elle n’est abondante nulle part et son nombre a beaucoup diminué dans toutes les parties du monde.
On ignore combien de Sternes de Dougall nichaient en Amérique du Nord avant la fin du XIXe siècle. D’anciens rapports n’en mentionnent que des « milliers ». On sait qu’il n’y avait plus que 2 000 couples dans les années 1890, alors qu’on chassait cette espèce dont les élégantes rectrices décoraient les chapeaux. Grâce aux lois sur la conservation, la population nord-américaine de la Sterne de Dougall est passée, dans les années 1930, à 8 500 couples : ils ont fait leurs nids dans des colonies dispersées le long de la côte est et jusqu’à la Caroline du Sud. Depuis les années 1950, en raison de la perte d’habitat de nidification, de la prédation et du piégeage dans les zones d’hivernage, le total a baissé à 3 800 couples et les colonies ne s’étendent plus au sud que jusqu’à Long Island, dans l’État de New York.
Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) considère ces oiseaux comme étant « en voie de disparition » et le United States Fish and Wildlife Service (USFWS) a désigné ceux du Nord-Est des États-Unis comme étant « en voie de disparition ». Une population de Sternes de Dougall près de l’Amérique du Nord, soit la population d’oiseaux nicheurs des Antilles, a aussi baissé et l’USFWS la considère comme étant « menacée ».
Bien que la Sterne de Dougall cache son nid et ses jeunes, elle souffre de la prédation des goélands, des corneilles et des corbeaux. L’explosion démographique des goélands au cours du XXe siècle a créé un double problème pour la Sterne de Dougall. Tout d’abord, certains goélands s’attaquent continuellement aux sternes et prennent des œufs, des oisillons, des jeunes et même des adultes. De plus, les goélands envahissent des colonies de sternes. Puisqu’ils commencent à faire leurs nids plus tôt qu’elles et qu’ils sont beaucoup plus gros et plus agressifs, ils occupent les meilleurs sites. Cela amène fréquemment les sternes à abandonner leurs colonies à la recherche d’un nouvel emplacement, de préférence dans des îlots près du littoral et d’autres endroits éloignés des humains. En raison de l’aménagement accru des zones côtières, les endroits convenables se font de plus en plus rares.
La Sterne de Dougall fait aussi face à des difficultés dans les aires d’hivernage. Elle passe au moins une partie de l’hiver sur la côte nord-est de l’Amérique du Sud. Après avoir passé la journée en mer, elle retourne sur les plages pour se percher et devient une proie comestible facile pour les trappeurs.
Bien que le piégeage soit découragé par les biologistes et les gouvernements sud-américains, il demeure une cause de mortalité. Au Canada, cette pratique est illégale depuis 1917 : la Sterne de Dougall et les autres sternes sont protégées en vertu de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, selon laquelle il est illégal de capturer, de tuer ou de prendre des oiseaux, leur nid ou leurs œufs.
En Amérique du Nord, la population de Sternes de Dougall est concentrée dans un nombre relativement petit de colonies de nidification. Par conséquent, toute baisse des stocks de poissons dont les sternes s’alimentent, en raison, par exemple, de la pêche commerciale, de la pollution chimique ou du déversement accidentel de pétrole, peut avoir des conséquences catastrophiques. Les espèces sont aussi vulnérables aux perturbations directes, comme l’activité humaine près des colonies, l’écotourisme, le dénichage des œufs, la chasse des adultes au filet et les prédateurs indigènes et introduits.
Au Canada, les navires de pêche et les conserveries de poisson doivent disposer différemment des déchets de poissons et il est important de continuer à supprimer les dépotoirs municipaux à ciel ouvert. En effet, ces pratiques ont contribué à l’explosion démographique des goélands au cours des 50 dernières années. Les populations riveraines, les plaisanciers et les gens qui pratiquent des activités commerciales en mer doivent s’assurer de protéger les sternes et leur habitat contre la contamination. Ils doivent en outre garder leurs distances des colonies de nidification des sternes et des autres espèces d’oiseaux.
La protection des colonies de nidification des sternes est essentielle à la survie de la Sterne de Dougall. Étant donné que celle-ci fait toujours son nid à proximité d’autres sternes, les colonies de Sternes pierregarin et arctiques doivent aussi être protégées. Le Department of Natural Resources de la Nouvelle-Écosse a créé une aire de protection de la faune dans deux colonies et examine des méthodes de protection d’une autre grande colonie de Sternes de Dougall, conjointement avec les biologistes provinciaux et le Service canadien de la faune (SCF) d’Environnement Canada. Une protection stricte est assurée aux oiseaux nicheurs dans les aires de protection de la faune et les refuges d’oiseaux migrateurs. De plus, il faut décourager les goélands, les corneilles et les corbeaux de faire leurs nids sur les îles où se trouvent des colonies de Sternes de Dougall. Le SCF et quelques partenaires ont commencé à examiner le recours à des mesures de gestion inoffensives afin de créer et de maintenir des îles à l’abri des goélands.
Les biologistes de la faune prédisent un bon avenir à la Sterne de Dougall au Canada. Leur optimisme se fonde d’une part sur les résultats fructueux obtenus aux États-Unis, où se trouve la plus grande partie des Sternes de Dougall, en matière de gestion des colonies. Il se fonde d’autre part, sur les efforts de l’organisme RESCAPE (Rétablissement des espèces canadiennes en péril), un comité composé de représentants du gouvernement canadien et d’organismes non gouvernementaux de protection de la faune, qui a dressé un plan de protection des oiseaux nicheurs canadiens. Les stratégies de rétablissement englobent le maintien des niveaux de productivité à plus d’un oisillon par couple par année, l’établissement d’un nombre suffisant d’aires de reproduction libres de prédateurs pour les sternes, la protection des sternes dans leur territoire d’hivernage et la réduction des populations anormalement élevées de goélands par la gestion des dépotoirs et des déchets de pêcheries.
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Ressources
Ressources en ligne
Service canadien de la faune, Espèces en péril
Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC)
Cornell University Laboratory of Ornithology (en anglais seulement)
Ressources imprimées
GODFREY, W. E. Les oiseaux du Canada, éd. rév., Musées nationaux du Canada, réimprimé en 1989, La Prairie (Québec), Éditions Marcel Broquet, en collaboration avec le Musée national des sciences naturelles, 1986, p. 301 et planche 39.
LOCK, A., S. BOATES, S. COHRS, T. D’EON, B. JOHNSON et P. LAPORTE. Plan national de rétablissement de la Sterne de Dougall, RESCAPE, Rapport nº 4, Ottawa, Service canadien de la faune, Environnement Canada, 1993.
SHAFFER, F. et M. ROBERT. « Sterne de Dougall », dans J. Gauthier et Y. Aubry (sous la direction de), Les Oiseaux nicheurs du Québec : Atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional, Montréal, Association québécoise des groupes d’ornithologues, Société québécoise de protection des oiseaux et Service canadien de la faune, Environnement Canada, région du Québec, 1995, p. 532?533.
© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l’Environnement, 1999. Tous droits réservés.
No de catalogue CW69-4/99-1999F
ISBN 0-662-83989-7
Texte : L. Calkins et D. Amirault
Illustration : Judie Shore
Photo : Scott Hecker