Description
La petite chauve-souris brune
La petite chauve-souris brune, ou vespertilion brun (Myotis lucifugus), pèse entre 7 et 9 g, et son envergure est comprise entre 25 et 27 cm. Les femelles tendent à être légèrement plus grandes que les mâles, mais ont par ailleurs une apparence similaire. Comme son nom l’indique, cette chauve-souris est brune, variant du brun clair au brun foncé, en passant par le brun rougeâtre; avec un ventre légèrement plus pâle, des oreilles et des ailes brun foncé à noir.
Contrairement à la croyance populaire, les petites chauves-souris brunes, comme les autres chauves-souris, ne sont pas aveugles. Cependant, étant donné qu’elles sont nocturnes et qu’elles doivent naviguer dans l’obscurité, il s’agit de l’un des rares mammifères terrestres qui utilisent l’écholocalisation pour recueillir des informations sur leur environnement et sur l’emplacement de leurs proies. Les cris d’écholocalisation qu’elles émettent, semblables à des cliquetis, rebondissent sur les objets, et cet écho est traité par les chauves-souris pour obtenir l’information dont elles ont besoin. Ces bruits se situent à une fréquence très élevée, et ne peuvent donc pas être entendus par les humains.
Comme ils ne peuvent pas entendre les cris des petites chauves-souris brunes ou de la plupart des chauves-souris, il est très difficile pour les humains de distinguer les différentes espèces lorsqu’elles volent à la nuit tombée. Des équipements spécialisés, comme des « détecteurs de chauve-souris », sont nécessaires pour traiter leurs cris d’écholocalisation. Même bien équipé, il est difficile de les différencier. Les trois espèces de Myotis canadiennes produisent toutes un cliquetis semblable à une fréquence de 40 kHz, ce qui rend leur distinction difficile. Pourtant, il existe des différences minimes de fréquence et de forme. La petite chauve-souris brune produit des cris qui durent environ 4 millisecondes. Lorsqu’elle ne s’alimente pas, elle produit des cris d’écholocalisation environ 20 fois par seconde. Lorsqu’elle chasse, elle peut émettre jusqu’à dix fois plus de cris par seconde.
La petite chauve-souris brune a une très longue durée de vie comparée à d’autres petits mammifères. Elle peut vivre plus de 10 ans, et l’une d’elles a été capturée à l’âge de 34 ans! Les hiboux, les serpents, les rapaces, les chats, les ratons laveurs et les belettes attaquent la petite chauve-souris brune aussi bien en vol qu’au repos.
La petite chauve-souris brune |
Habitat et habitudes
Les chauves-souris sont les seuls mammifères capables de vraiment voler. Certaines chauves-souris canadiennes migrent sur de longues distances vers le Sud à l’automne, et vers le Nord au printemps, comme les oiseaux. Cependant, ce n’est pas le cas de la petite chauve-souris brune, qui ne migre pas. D’autres espèces de chauves-souris canadiennes demeurent également au Canada, comme la grande chauve-souris brune (Eptesicus fuscus), le vespertilion nordique (Myotis septentrionalis) et la pipistrelle de l’Est (Perimyotis subflavus). Même si les petites chauves-souris brunes n’ont pas l’habitude de migrer en dehors du Canada, certaines peuvent parcourir jusqu’à 1000 km entre leurs dortoirs estivaux et leurs dortoirs hivernaux, où elles hibernent. Ces dortoirs hivernaux sont appelés hibernacles. D’août à début octobre, de nombreux individus issus de diverses zones d’estivage se rassemblent la nuit en grand nombre dans les mines et les grottes afin de s’accoupler. Ce comportement grégaire avant l’hiver permet également aux jeunes chauves-souris nées l’été précédent de se diriger vers des hibernacles appropriés. La plupart des petites chauves-souris brunes restent dans les mêmes zones où elles se rassemblent en prévision de l’hiver, mais d’autres se déplacent vers d’autres lieux. Les hibernacles sont généralement des grottes ou des mines abandonnées, et sont choisis pour leur taux d’humidité élevé et leurs températures stables, au-dessus du point de congélation. La petite chauve-souris brune est un véritable animal hibernant (elle ralentit son métabolisme, sa fréquence cardiaque et sa respiration), mais elle se réveille quand même périodiquement pour boire ou éliminer ses déchets. Étant donné que la nourriture n’est pas disponible l’hiver, elle se repose uniquement sur ses réserves de graisse pour survivre, dès le mois de septembre et jusqu’à la mi-avril (pour les femelles) ou la mi-mai (pour les mâles). L’hibernation est plus longue dans les régions froides des latitudes élevées, et plus courte dans le Sud.
La petite chauve-souris brune
Au printemps, les femelles qui se sont accouplées l’automne ou l’hiver précédent sortent tôt de leur hibernation et se déplacent vers des dortoirs de maternité ou de crèche, où elles restent l’été en groupes pouvant compter jusqu’à un millier d’individus. Au Canada, les petites chauves-souris brunes et les grandes chauves-souris brunes sont les deux seules espèces qui utilisent régulièrement des bâtiments pour leurs colonies de maternité. Elles utilisent aussi parfois des cavités d’arbres ou d’autres lieux qui restent sombres et chauds pendant la journée, comme des boîtes pour chauves-souris. On pense qu’elles se blottissent les unes contre les autres et choisissent des zones chaudes pour accélérer la croissance de leurs petits. Les femelles qui ne se reproduisent pas et les mâles se reposent dans d’autres lieux, généralement plus froids, en petits groupes. Dans les deux cas, ces dortoirs sont principalement utilisés pendant la journée, étant donné que les petites chauves-souris brunes fourragent ou chassent la nuit. La nuit, les petites chauves-souris brunes utilisent parfois les dortoirs nocturnes pour se reposer entre deux épisodes de restauration.
La plupart des petites chauves-souris brunes reviennent aux mêmes dortoirs de reproduction, d’hivernage, de maternité ou d’estivage chaque année, bien que certaines changent parfois de dortoir. Cette espèce a été observée dans une grande variété d’habitats, y compris dans tous les types de peuplements forestiers, à la limite Sud de la toundra arctique et dans des zones urbanisées, mais elle préfère les secteurs proches de zones humides, de lacs ou de cours d’eau en été en raison de leur plus grande disponibilité de nourriture.
Haut de la pageAire de répartition
La petite chauve-souris brune possède la plus vaste distribution de toutes les chauves-souris canadiennes. Au Canada, on la trouve dans toutes les provinces et tous les territoires, excepté au Nunavut. Elle est plus commune dans la moitié Nord des États-Unis, mais a été observée dans tous les États continentaux et en Alaska. On la trouve aussi dans les zones montagneuses plus fraîches du centre du Mexique.
Distribution de la petite chauve-souris brune |
Alimentation
La petite chauve-souris brune
Les petites chauves-souris brunes se nourrissent d’une grande variété de petits insectes volants, qu’elles repèrent par écholocalisation. Il s’agit généralement de papillons de nuit, de mouches, de moustiques, d’éphémères, de coléoptères et de moucherons, mais les chauves-souris sont des mangeuses opportunistes, ce qui signifie qu’elles se nourrissent de toute espèce d’insecte disponible. Elles participent généralement à au moins deux épisodes de restauration par nuit, l’un au coucher du soleil et l’autre avant le lever du soleil. Entre temps, elles se reposent, économisent leur énergie et digèrent leur nourriture. Les femelles gestantes ont tendance à se nourrir dans des secteurs plus étendus, mais lorsque les petits sont nés elles restent plus près du dortoir de maternité. Les femelles allaitantes peuvent consommer l’équivalent de leur poids en insectes chaque nuit. Toutefois, la plupart des petites chauves-souris brunes consomment environ 1000 insectes par nuit, soit la moitié de leur poids corporel. Avant l’hibernation, les chauves-souris mangent de plus grandes quantités, jusqu’à augmenter leur poids de plus de 30 %.
Haut de la pageReproduction
La petite chauve-souris brune
La plupart des petites chauves-souris brunes âgées de plus d’un an s’accouplent à l’automne lorsque de grands groupes se rassemblent. Les individus peuvent s’accoupler plusieurs fois, avec différents partenaires. Les femelles stockent le sperme des mâles tout l’hiver jusqu’à leur ovulation printanière.
Après une gestation de 50 à 60 jours, selon l’état et l’âge de la femelle, un seul petit naît en juin ou en juillet. Ce petit pèse environ le quart du poids de sa mère. Il naît capable de s’accrocher au mur du dortoir et à sa mère, même lorsque celle-ci vole en se nourrissant. Les petits peuvent voler à l’âge d’environ trois semaines, après quoi ils se nourrissent à la fois du lait de leur mère et d’insectes. Ils sont sevrés à l’âge d’environ 26 jours, après quoi ils accumulent de la graisse pour l’hiver avant de partir pour les sites de rassemblement automnaux.
Haut de la pageConservation
En 2006, une grave menace pour les petites chauves-souris brunes est apparue en Amérique du Nord. Un champignon appelé Geomyces destructans a probablement été introduit par des explorateurs ou des spéléologues, qui ont transportés des saletés issues de grottes européennes sur leur équipement. Lorsqu’ils ont ensuite visité une grotte près d’Albany, aux États-Unis, les spores du champignon ont été déposés. Étant donné que la grotte présentait de bonnes conditions de croissance pour le champignon, il a survécu et s’est propagé. En Europe, les chercheurs pensent que les populations de chauves-souris survivent au côté de ce champignon depuis des milliers d'années, et ont donc développé une immunité vis-à-vis de celui-ci. Du moins, la grande majorité des chauves-souris européennes survivent aux infections de Geomyces destructans. En Amérique du Nord, où les chauves-souris n’ont jamais rencontré ce champignon, la réaction est tout à fait différente.
Petite chauve-souris brune atteinte du syndrome du museau blanc
Geomyces destructans provoque une maladie appelée syndrome du museau blanc (SMB). Au Canada, où le SMB est apparu en 2009-2010, cette maladie affecte trois espèces de chauves-souris : la pipistrelle de l’Est (Perimyotis subflavus), le vespertilion nordique (Myotis septentrionalis), et la petite chauve-souris brune qui est la plus touchée. Le champignon se développe sur le museau des chauves-souris (le couvrant d’excroissances duveteuses blanches, d’où le nom de la maladie), leurs ailes et toute partie non poilue de leur peau pendant leur hibernation. Cela vaut aux chauves-souris de se réveiller plus souvent que d’habitude pour cause de déshydratation et, probablement, pour enlever le champignon. Étant donné qu’elles deviennent alors plus actives qu’elles ne le devraient pendant l’hiver (certaines ont même été vues voler en dehors de leur hibernacle), elles épuisent rapidement les réserves de graisse qu’elles ont accumulées l’été précédent, ce qui les amène à mourir de faim. La grande majorité des petites chauves-souris brunes atteintes du SMB sont incapables de survivre : après deux années d’infection, les populations de chauves-souris de certains hibernacles ont été réduites à moins de 10 % de ce qu’elles étaient avant l’apparition de la maladie.
Étant donné que les conditions sont idéales pour ce champignon dans la plupart des hibernacles des chauves-souris canadiennes – les grottes et les mines partagent des conditions fraîches et humides semblables –, le SMB se propage rapidement. Étant donné que les petites chauves-souris brunes peuvent voyager sur des centaines de kilomètres entre leurs territoires estivaux et hivernaux, et étant donné qu’elles se rassemblent à l’automne pour se reproduire, la maladie se transmet de chauve-souris à chauve-souris sur de très vastes secteurs. Les chauves-souris qui ont survécu à l’infection de l’année précédente peuvent transmettre le champignon à d’autres lors du rassemblement nuptial ou en pénétrant dans de nouveaux hibernacles. Le champignon est capable de survivre l’été dans les hibernacles pendant que les chauves-souris sont absentes, et de réinfecter les chauves-souris à leur retour à l’automne. Jusqu’à présent, la maladie n’a infecté que les chauves-souris de l’est du Canada (Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Québec, Ontario et Île du Prince Édouard), mais les experts estiment que les petites chauves-souris brunes de l’essentiel du Canada (à l’exception, peut-être, des régions les plus froides du nord du Canada où hiberne une petite proportion de petites chauves-souris brunes) seront infectées au cours des 22 prochaines années.
Étant donné qu’aucun traitement du SMB n’a encore été trouvé, les experts pensent que la petite chauve-souris brune va probablement disparaître du pays, ce qui signifie qu’elle sera éteinte dans certaines régions du Canada. Il est probable que moins de 1 % de la population d’origine canadienne demeurera. En Amérique du Nord, 5,7 à 6,7 millions de chauves-souris sont mortes du SMB depuis 2006, et dans les États du Nord-Est, les petites chauves-souris brunes seront probablement disparues du pays environ 16 ans après l’apparition de la maladie. On peut s’attendre à une situation semblable au Canada dans environ trois générations de chauves-souris, soit 9 à 30 ans.
Bien qu’il soit probable que très peu de petites chauves-souris brunes resteront isolées du SMB, les scientifiques espèrent que cette espèce ne s’éteindra pas totalement au Canada grâce à certains individus qui survivront à la maladie. En effet, un faible pourcentage de chauves-souris a été observé survivre après avoir montré des symptômes de SMB. Ces chauves-souris, lors de la reproduction, peuvent transmettre leur immunité à la génération suivante, comme ça a pu être le cas pour les chauves-souris européennes au départ. Toutefois, étant donné que les petites chauves-souris brunes sont l’un des mammifères les plus lents à se reproduire pour leur taille, ne donnant naissance qu’à un petit par an, le rétablissement de l’espèce en Amérique du Nord, bien que possible, sera très probablement lent.
On connaît mal les distances et les régions parcourues par les chauves-souris entre leurs dortoirs estivaux et hivernaux, l’emplacement de leurs hibernacles et les effectifs des chauves-souris au Canada. Cependant, depuis l’arrivée du SMB, les spécialistes s’efforcent de recueillir autant d’informations que possible. Une connaissance plus approfondie de la biologie des chauves-souris contribuera probablement à la gestion du SMB. Les emplacements des hibernacles des gîtes des chauves-souris doivent être découverts, afin de recueillir ces informations et de documenter la façon dont les populations sont affectées par le SMB. La Fédération canadienne de la faune finance actuellement des chercheurs dans l’est du Canada, ce qui leur permet d’étudier la maladie et de documenter sa propagation. Environnement Canada finance la coordination des activités liées à la gestion du SMB au Canada. En outre, les scientifiques canadiens et américains tentent de trouver un remède au SMB par l’étude des chauves-souris européennes et du champignon lui-même.
Petites chauves-souris brunes en hibernaculum
La petite chauve-souris brune est aussi menacée par la perturbation ou la destruction des colonies des hibernacles et des crèches, la perte des habitats, l’utilisation des pesticides et la présence de toxines dans la chaîne alimentaire. En raison de ces menaces, mais surtout de la présence du SMB, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada a évalué, en désignation d’urgence, la petite chauve-souris brune comme étant en péril au Canada. L’espèce est déjà inscrite comme étant en péril dans certaines provinces.
La conservation des petites chauves-souris brunes est, bien sûr, très importante. Dans le cadre de la biodiversité de nombreux écosystèmes canadiens, elles contribuent aux fonctions écologiques de nombreux types de peuplements forestiers et de zones humides. Par exemple, elles contribuent à contrôler les populations de parasites forestiers. Mais les chauves-souris sont également importantes pour la santé humaine. Étant donné qu’elles mangent de grandes quantités d’insectes nuisibles tels que les moustiques, qui peuvent être des vecteurs de maladies, elles permettent aux humains de profiter davantage du plein air pendant les mois d’été et pourraient même jouer un rôle en réduisant la propagation des maladies. En outre, une population saine de chauves-souris est bonne pour l’économie, car elles consomment des insectes qui détruisent les récoltes et les forêts, ce qui réduit la nécessité d’utiliser des pesticides.
Haut de la pageCe que vous pouvez faire
La petite chauve-souris brune
Heureusement, il y a quelques petites choses que vous pouvez faire pour donner un coup de main aux petites chauves-souris brunes et à d’autres espèces de chauves-souris au Canada. Des visiteurs de grottes qui n’ont pas correctement décontaminé leur équipement ont probablement contribué à la propagation du SMB. Un moyen très simple de contribuer à réduire cette menace est de ne pas visiter de grottes non commerciales, sauf si vous êtes accompagnés par des experts. En outre, laisser tranquilles les grottes où les chauves-souris hibernent donne un coup de pouce même aux chauves-souris en bonne santé, étant donné que le fait de les réveiller pendant leur hibernation réduit leurs chances de survie. Également, lorsque vous jardinez ou entretenez votre pelouse, n’utilisez pas de pesticides, car ils peuvent pénétrer dans le système des chauves-souris à travers leur consommation d’insectes. La construction et l’installation d’une boîte pour chauves-souris peut également les aider à trouver un endroit propice au repos pendant les mois d’été.
Si vous trouvez des chauves-souris dans votre maison, communiquez avec une personne autorisée, équipée pour s’en occuper correctement et humainement. Aussi, si vous remarquez des chauves-souris actives pendant les mois d’hiver ou des chauves-souris mortes autour de votre maison, communiquez avec votre bureau provincial de gestion de la faune, car ils connaissent probablement des spécialistes de chauves-souris intéressés par ces informations.
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La petite chauve-souris brune
Ressources en ligne
Aidez la petite chauve-souris brune! de la FCF
Texte par Annie Langlois
© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l’Environnement, 2013. Tous droits réservés.