Description
Sterne pierregarin
Quiconque a visité des régions côtières connaît bien les goélands, ces gracieux oiseaux aux longues ailes qui pullulent sur les plages et dans les ports, quémandant hardiment de la nourriture. Les goélands appartiennent à une famille d’oiseaux qui vivent principalement en mer, soit sur le littoral, soit au large. Il existe dans le monde plus de 350 espèces d’oiseaux qui vivent partiellement ou exclusivement en mer, d’où leur nom commun d’« oiseaux marins » ou « oiseaux de mer ».
Le tableau ci-dessous présente les 14 familles d’oiseaux marins et montre le nombre approximatif d’espèces appartenant à chacune (le nombre exact d’espèces est constamment révisé, à mesure que la recherche génétique révèle que certains oiseaux d’apparence pourtant très similaire sont génétiquement si dissemblables qu’ils constituent en fait des espèces différentes). Les espèces appartenant aux familles des albatros, des pingouins, des frégates, des fous de Bassan, des manchots, des pétrels, et des océanites tempête, se nourrissent exclusivement en mer. En outre, de nombreuses espèces de cormorans, de grèbes, de mouettes, de goélands, de labbes, de plongeons huards, de pélicans et de sternes se nourrissent exclusivement ou principalement en mer. Les phalaropes sont les seuls oiseaux de rivage qui se nourrissent en mer.
Le tableau ci-dessous présente les 15 familles regroupant les oiseaux de mer et montre le nombre approximatif d’espèces appartenant à chaque famille. (Les ornithologues, ou spécialistes des oiseaux, en révisent constamment le nombre exact. En effet, la recherche génétique révèle que certains oiseaux d’apparence pourtant très similaire sont génétiquement si dissemblables qu’ils constituent en fait des espèces différentes.) Les espèces appartenant aux familles des albatros, des fous, des frégates, des manchots, des océanites, des pingouins et des puffins et fulmars se nourrissent exclusivement en mer. Pour leur part, de nombreuses espèces de cormorans, de goélands, de grèbes, de labbes, de mouettes, de pélicans, de plongeons et de sternes se nourrissent entièrement ou principalement en mer. Les phalaropes sont les seuls oiseaux de rivage qui se nourrissent en mer.
Les familles d’oiseaux dont toutes les espèces s’alimentent soit exclusivement, soit partiellement en mer, avec le nombre approximatif d’espèces composant chaque famille figurent ci-dessous (tiré de http://www.worldbirdnames.org/ioc-lists/master-list/). Le nombre d’espèces qui nichent au Canada est indiqué entre parenthèses. Les canards et les grèbes qui se nourrissent en mer sont exclus.
Nombre d'espèces
Famille |
Entièrement marin |
Partiellement marin |
Albatros |
21 |
|
Pingouins |
24(13) |
|
Fous |
10(1) |
|
Cormorans |
28(4) |
13(1) |
Frégates |
5 |
|
Mouettes, goélands et becs-en-ciseaux |
68(8) |
44(11) |
Plongeons et autres |
5(4) |
|
Pélicans |
1 |
7(1) |
Manchots |
18 |
|
Pétrels |
96(2) |
|
Phalaropes |
|
3(3) |
Labbes |
4 |
3(3) |
Océanites |
24(2) |
|
Oiseaux des tropiques |
3 |
|
Total |
302(30) |
75(23) |
Habitat et habitudes
Alors que les deux tiers de la surface terrestre sont couverts d’eau, les oiseaux marins ne représentent que 3 % des espèces d’oiseaux du monde. C’est probablement dû au fait que le rôle joué sur terre par les oiseaux revient, en milieu marin, majoritairement aux poissons.
Les oiseaux marins sont très visibles tant sur le littoral qu’au large. Pourtant, la plupart des gens ne les perçoivent pas comme des créatures marines, comme les baleines ou les phoques, car beaucoup d’entre eux passent le plus clair de leur temps à survoler la mer ou reviennent à terre pour se reproduire ou pour se percher sur des rochers et des îles. Néanmoins, beaucoup d’entre eux tirent leur alimentation de la mer, et forment de ce fait une partie importante de la chaîne alimentaire marine : en ce sens, la mer constitue leur milieu de vie, tout autant que celui des crabes et des coraux.
Caractéristiques uniques
Puffin fuligineux
Les véritables oiseaux marins – ceux qui passent toute leur vie en mer, sauf en période de reproduction – sont parmi les oiseaux qui occupent les plus vastes territoires. Par exemple, les Fulmars boréaux de l’Extrême-Arctique canadien peuvent parcourir plus de 500 km depuis leur colonie de nidification afin de trouver de la nourriture pendant la saison de reproduction, tandis que les grands albatros en quête de nourriture peuvent couvrir plusieurs milliers de kilomètres. Les oiseaux marins sont étonnamment peu affectés par les tempêtes et les vagues. Les grands albatros dépendent en fait des grands vents pour parcourir en glissant les énormes distances dont ils ont besoin pour trouver leur nourriture. Cependant, si les conditions météorologiques défavorables perdurent, particulièrement en hiver, certains oiseaux peuvent épuiser leurs réserves énergétiques; ils échouent alors sur les plages ou sont même repoussés loin à l’intérieur des terres. Chez certaines espèces, ce phénomène d’échouage périodique est bien connu. Par exemple, dans l’est de l’Amérique du Nord, des nuées de Mergules nains s’abattent dans les terres à intervalles irréguliers, semble-t-il à la suite d’une combinaison défavorable de vents forts et d’un manque de ressources alimentaires.
Plusieurs espèces d'oiseaux marins en colonie
Certains oiseaux marins sont très bien adaptés à la nage subaquatique, utilisant soit leurs ailes (pingouins, manchots, puffins), soit leurs pattes (cormorans, plongeons huards) pour se propulser. Le meilleur plongeur est le Manchot empereur, qui pèse entre 30 et 40 kg : il peut atteindre une profondeur de 300 mètres et demeurer 10 minutes sous l’eau. Parmi les pingouins, les guillemots, qui sont beaucoup plus petits (1 kg), peuvent plonger jusqu’à 150 m. Les plumes des manchots ressemblent à des cheveux et ne piègent pas l’air. Par conséquent, ils parviennent à maintenir une densité proche de celle de l’eau. Les pingouins, en revanche, sont bien emplumés, de sorte qu’ils ont une flottabilité positive grâce à l’air emprisonné dans leur plumage, et ils doivent lutter contre la force de flottabilité (ou poussée d’Archimède) lorsqu’ils plongent. Cependant, l’effet négatif de la force de flottabilité s’inverse à mesure qu’ils remontent, et ils reviennent à la surface beaucoup plus vite qu’ils ne plongent. Les oiseaux dépendent de l’oxygène stocké pendant la plongée, qui est acheminé jusqu’aux cellules sanguines, aux poumons et aux sacs aériens situés dans les cavités corporelles. Les oiseaux plongeurs ajustent la quantité d’air inspirée avant une plongée, de sorte que leur flottabilité est appropriée à la profondeur à laquelle ils désirent s’alimenter. Ils interrompent également toutes leurs activités métaboliques, sauf celles requises par les muscles utilisés en plongée, afin de réduire le taux d’utilisation de l’oxygène. Ces adaptations permettent aux guillemots, pourtant beaucoup plus petits, de rester jusqu’à quatre minutes sous l’eau, soit plus longtemps que la plupart des gens n’en sont capables.
En général, les oiseaux marins qui s’alimentent sous la mer sont moins fréquents dans les eaux tropicales que dans les eaux polaires et tempérées. Par exemple, la distribution des manchots, une famille d’oiseaux présente seulement dans l’hémisphère Sud, s’étend au Nord jusqu’à l’Équateur seulement dans les îles Galapagos, où le courant de Humboldt maintient l’eau relativement fraîche. Le territoire de distribution des pingouins – équivalents des manchots dans l’hémisphère Nord – se prolonge dans les eaux tropicales seulement en Californie et sur la côte Pacifique du Mexique, des régions affectées par le courant froid de Californie. L’absence d’oiseaux plongeurs sous les tropiques, où se trouvent de nombreux pétrels et sternes s’alimentant en surface, peut être due à la concurrence ou à la prédation par de grands poissons qui prospèrent dans les eaux plus chaudes.
Fou de Bassan
En plus de la nage subaquatique, de nombreux oiseaux marins, comme les pétrels, les sternes et les labbes, s’alimentent à la surface de la mer, capturant leurs proies en vol. D’autres comme les mouettes, les phalaropes et les Fulmars boréaux, se nourrissent tout en flottant sur l’eau. Les fous de Bassan, les fous, les pélicans et les sternes, se servent de l’élan de leur plongeon vertical pour se déplacer sous l’eau. Les fous de Bassan peuvent plonger d’une hauteur de 50 m, pour atteindre une profondeur de 15 m. Cependant, la plupart des oiseaux marins se nourrissent à une profondeur de un ou deux mètres sous la surface de la mer, glanant du matériel flottant ou se nourrissant d’organismes nageant à faible profondeur. Les différences de techniques d’alimentation ont conduit à divers modèles d’oiseaux marins. Le dessin suivant montre les silhouettes des oiseaux de certaines familles et espèces présentes au large de l’île de Terre-Neuve. Remarquez les longues ailes des goélands et des sternes qui s’alimentent en surface comparées à celles des nageurs sous-marins : macareux, guillemots et petits pingouins.
Silhouettes caractéristiques des oiseaux de mer les plus facilement observables dans la partie occidentale de l’Atlantique Nord (dessin d’Ian Jones)
- Merle d’Amérique (pour l’échelle);
- Fou de Bassan;
- Goéland argenté;
- Labbe parasite;
- phalarope;
- sterne;
- Petit Pingouin (famille des alcidés) ;
- cormoran;
- guillemot (famille des alcidés);
- macareux (famille des alcidés);
- Mergule nain (famille des alcidés);
- Guillemot à miroir (famille des alcidés);
- puffin (famille des procéllaridés);
- Océanite cul-blanc;
- Océanite de Wilson;
- Eider à duvet (famille des anatidés);
- Harelde kakawi (famille des anatidés)
Aire de répartition
La répartition des oiseaux marins dépend beaucoup des conditions qui règnent dans les différentes régions océaniques, telles que les courants, la température et la profondeur de l’eau. Les oiseaux marins sont plus nombreux dans les eaux polaires que tropicales, et sont plus diversifiés dans l’hémisphère Sud que dans l’hémisphère Nord, probablement parce que l’océan est beaucoup plus vaste au Sud. Au Canada, c’est au large de l’île de Terre-Neuve que se trouve la plus grande diversité d’oiseaux marins. Là, à la limite des Grands Bancs, les eaux froides du courant du Labrador s’écoulant vers le Sud se mêlent aux eaux chaudes du Gulf Stream, qui abrite une faune tout à fait différente, dont de nombreux oiseaux marins caractéristiques des latitudes plus méridionales.
Sur les Grands Bancs, les oiseaux qui nichent dans les régions arctiques et subarctiques, comme les guillemots et les Macareux moines, côtoient des oiseaux qui se reproduisent dans des régions plus tempérées, comme les puffins, les fous de Bassan et les océanites tempête. Les eaux côtières de la Colombie-Britannique, pourtant plus au Nord que celles de Terre-Neuve, sont réchauffées par des courants du Sud, et par conséquent n’abritent que des oiseaux marins qui se reproduisent et hivernent dans des régions tempérées, comme les Stariques de Cassin et les Macareux rhinocéros.
Bien des populations d’oiseaux marins sont extrêmement nombreuses. Parmi ceux qui nichent dans l’hémisphère Sud, les Océanites de Wilson, les Puffins fuligineux, les Puffins à bec grêle et les Prions colombes se comptent par dizaines de millions. Dans l’hémisphère Nord, les Océanites cul-blanc, les Guillemots marmettes, les Guillemots de Brünnich, les Macareux moines, les Macareux huppés, ainsi que les Mergules nains, forment également des populations dépassant dix millions d’oiseaux. Le Canada abrite à lui seul plus de cinq millions d’Océanites cul-blanc, la plupart d’entre eux à Terre-Neuve, plus de deux millions de Guillemots de Brünnich, la plupart dans l’Arctique oriental, et plus de 1,5 million de Stariques de Cassin, dont plus de la moitié nichent dans une seule colonie, sur la minuscule île Triangle, en Colombie-Britannique.
Tout comme les baleines, les oiseaux marins sont très mobiles et beaucoup d’entre eux entreprennent des migrations saisonnières régulières (voir la carte). C’est chez les oiseaux marins qu’on observe les plus longues migrations d’oiseaux, comme celle des Sternes arctiques entre l’Arctique et l’Antarctique, et le circuit spectaculaire qu’effectuent, au-dessus du Pacifique, les Puffins fuligineux qui nichent en Nouvelle-Zélande. La migration des Plongeons du Pacifique est, pour un assez mauvais voilier, presque aussi impressionnante : ces oiseaux quittent leurs aires de nidification du centre de l’Arctique, longent la côte Nord de l’Alaska, traversent le détroit de Béring, pour se diriger vers le Sud, dans l’océan au large de la Californie. Pour leur part, les minuscules Océanites de Wilson, pas plus lourds que des étourneaux dont les ailes sont beaucoup plus longues, voyagent chaque année depuis leurs aires de nidification des régions subantarctiques pour passer l’hiver austral dans l’océan au large de la Nouvelle-Écosse.
Parmi les oiseaux marins qui se reproduisent au Canada, ceux qui nichent dans l’est de l’Arctique hivernent principalement au large de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse, ou plus au Sud dans l’Atlantique. Quant à ceux qui nichent sur les côtes de la mer de Beaufort et dans le centre de l’Extrême-Arctique, ils passent en général la saison internuptiale dans le Pacifique. De nombreuses espèces se subdivisent en populations orientales et occidentales qui passent la saison internuptiale respectivement dans l’Atlantique et le Pacifique (Guillemots de Brünnich, Plongeons catmarins).
Haut de la pageAlimentation
Goélands argentés se nourrissant
La plupart des oiseaux marins se nourrissent de petits poissons ou de zooplancton, constitué par de petits organismes à carapace, principalement des crustacés, qui broutent les producteurs primaires des océans, des plantes microscopiques appelées phytoplancton. Le régime alimentaire des oiseaux marins est généralement varié, avec un large éventail de proies de tailles et de types différents. Cependant, ils sont plus sélectifs lorsqu’ils élèvent leurs poussins. Les guillemots et les macareux, par exemple, qui ont un régime alimentaire très varié, nourrissent leurs oisillons exclusivement de poissons. Dans certains cas, une espèce particulière de poisson domine le régime alimentaire. Dans l’Atlantique Nord-Ouest, par exemple, les capelans, de petits éperlans qui se rassemblent en petits bancs, constituent un aliment important pour la plupart des oiseaux marins, ainsi que pour les morues et les mammifères marins. Dans l’Arctique, les morues polaires, proches parentes des morues franches qui se retrouvent en bancs énormes dans les eaux arctiques, constituent la principale proie de nombreuses espèces d’oiseaux marins. Dans les eaux de la Colombie-Britannique, les lançons, une espèce de poisson, jouent également un rôle important. Les oiseaux qui sont très tributaires d’un seul type de proie voient leurs ressources alimentaires particulièrement menacées par l’exploitation humaine.
De nombreux oiseaux marins sont en déplacement perpétuel selon les conditions météorologiques et la présence de nourriture. Leur nourriture étant souvent répartie de façon très irrégulière, ils doivent parcourir de vastes distances pour la trouver. Quand une zone sombre, comme un banc de poissons ou une carcasse de baleine, est localisée à la surface, la nourriture peut être très facile à obtenir, et les oiseaux se gavent au point d’avoir de la difficulté à reprendre leur envol. Contrairement à de nombreux oiseaux terrestres, par conséquent, la plupart des oiseaux marins sont habitués à des alternances d’abondance et de famine.
Haut de la pageReproduction
Macareux moine nichant
La grande affinité des oiseaux marins pour l’eau froide fait du Canada un lieu de prédilection. Une cinquantaine d’espèces s’y reproduisent, et une bonne vingtaine d’autres, qui nichent ailleurs, viennent se nourrir dans les eaux canadiennes une partie de l’année. À l’échelle mondiale, le Canada est particulièrement riche en plongeons huards, phalaropes, labbes et pingouins. La côte de la Colombie-Britannique abrite plus de la moitié de la population mondiale de trois pingouins : les Guillemots à cou blanc, les Stariques de Cassin, et les Macareux rhinocéros.
Les eaux arctiques riches en matières nutritives situées à l’est de Terre-Neuve sont particulièrement attrayantes pour les oiseaux marins. En fait, bon nombre de ceux qui nichent dans l’est de l’Atlantique fréquentent les eaux de Terre-Neuve-et-Labrador en hiver, de même que la plupart des guillemots, des mouettes et des goélands qui nichent dans l’Arctique oriental, et la majorité des Mergules nains du monde, qui se reproduisent dans le nord-ouest du Groenland. En outre, de nombreux Fulmars boréaux et Mouettes tridactyles nés dans l’est de l’Atlantique passent l’été et l’hiver au large de Terre-Neuve avant l’âge de la reproduction. Les eaux peu profondes des Grands Bancs constituent leur nourricerie. En été, des millions de Puffins majeurs et de Puffins fuligineux de l’hémisphère Sud viennent également y passer leur saison internuptiale. Le nombre total d’oiseaux marins des Grands Bancs est toujours nettement supérieur à la population nicheuse locale. À l’instar des flottilles de pêche européennes des siècles passés, les oiseaux exploitent ces eaux qui comptent parmi les plus poissonneuses du monde. La santé de l’écosystème marin de Terre-Neuve-et-Labrador est donc précieuse pour tous les oiseaux marins de l’océan Atlantique.
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Conservation
Plongeon catmarin
Les oiseaux marins et leurs œufs constituent une importante source de nourriture pour les habitants des régions côtières du monde entier depuis des millénaires. Certaines communautés, comme celle de Saint-Kilda dans l’archipel de l’ouest de l’Écosse, dépendaient autrefois presque totalement de la capture des oiseaux marins. Au Canada, ces oiseaux jouaient un rôle important dans l’alimentation des Autochtones, en Colombie-Britannique, à Terre-Neuve-et-Labrador, et dans tout l’est de l’Arctique, où chaque grande colonie est accompagnée de vestiges archéologiques attestant son exploitation. Dans l’Arctique, les Guillemots de Brünnich étaient l’espèce la plus communément capturée. Sur l’île Digges dans le nord de la baie d’Hudson, un membre de l’équipage de Henry Hudson a décrit des huttes de pierre contenant des guillemots « pendus par le cou »; les vestiges de ces huttes sont encore visibles sur l’île. De plus, le nom inuit d’un promontoire voisin signifie « là où l’on frappe avec des bâtons », en référence à l’ancienne méthode employée pour abattre les oiseaux en vol.
Les œufs d’oiseaux marins sont récoltés dans le monde entier, car ils constituent une bonne source de protéines soigneusement emballées dans un contenant pratique, et ils se conservent pendant des semaines, voire des mois, s’ils sont stockés correctement. En outre, si la récolte est minutieuse et le prélèvement limité, les populations d’oiseaux sont peu affectées. Les œufs de guillemots constituent une importante source de nourriture pour certaines communautés inuites du Canada. Les œufs de mouettes, de goélands et de sternes étaient ramassés autrefois par les Autochtones partout au Canada.
Malheureusement, à l’arrivée des Européens, la récolte commerciale a valu à des milliers d’œufs d’être prélevés pour être vendus dans les villes et les villages, et a conduit à leur surexploitation ainsi qu’à une réduction sévère des populations d’oiseaux. La Convention concernant les oiseaux migrateurs, conclue en 1916 avec les États-Unis, a mis un terme à cette pratique en assurant la protection de la plupart des oiseaux migrateurs, y compris les mouettes, les goélands et les sternes. Les populations de goélands, en particulier, ont depuis rebondi de façon spectaculaire, en partie grâce à la nourriture abondante présente sous forme de déchets humains et de poissons, ou de résidus de l’industrie de la pêche.
Cormoran à aigrettes
En plus de leur utilisation à des fins alimentaires, les oiseaux marins étaient autrefois exploités pour leurs plumes. Ce commerce a d’ailleurs causé l’extinction ou la disparition de Funk Island (Terre-Neuve-et-Labrador), de la plus grande colonie de Grands pingouins. Les fous de Bassan et les sternes ont également beaucoup souffert de l’industrie de la plume au début du XXe siècle.
L’ambition des humains à s’approprier la plupart des ressources de la planète a énormément bouleversé les habitats des oiseaux marins, comme celui de la plupart des animaux du monde, et a décimé des populations. L’exploitation directe, surtout pendant la grande époque de l’expansion marchande de l’Europe, du XVIe au XIXe siècles, a causé l’extinction des Grands pingouins dans l’Atlantique et des Cormorans de Pallas dans le Pacifique, ainsi que la réduction ou à la disparition de nombreuses populations locales d’oiseaux marins.
L’impact des animaux qui accompagnent les établissements humains, comme les cochons, les chats et les rats, ainsi que les renards et autres carnivores introduits intentionnellement pour l’élevage d’animaux à fourrure a été plus important encore, quoique plus subtil. Si les oiseaux marins sont des prédateurs agressifs en mer, à terre ils ont évolué pendant des millénaires sur des îles dépourvues de mammifères prédateurs. Bon nombre d’entre eux sont donc incapables de s’adapter assez rapidement à ces nouvelles menaces.
On peut vraisemblablement imputer aux rats polynésiens, introduits dans de nombreuses îles du Pacifique, dont Hawaii, par l’intermédiaire des canoës des anciens Polynésiens, d’importantes extinctions d’espèces d’oiseaux marins avant même que la science ait pu consigner leur existence. Les effets subséquents de la propagation des rats surmulots, amenés par les navires européens, sont mieux documentés. Au Canada, ces deux espèces ont décimé l’imposante colonie d’oiseaux marins qui se trouvait autrefois dans l’île Langara, en Colombie-Britannique. Cependant, en 1995, une vaste initiative du Service canadien de la faune d’Environnement Canada a permis l’éradication des rats dans cette île. Nous espérons ainsi rétablir les populations d’oiseaux marins. Malheureusement, les introductions se poursuivent : les ratons laveurs continuent à se répandre dans l’archipel de Haida Gwaii (îles de la Reine-Charlotte), en Colombie-Britannique, de même que les chats et les rats sur les îles du golfe de Californie.
Par contre, de nombreuses espèces d’oiseaux marins profitent allègrement des déchets associés aux activités de pêche des humains. D’immenses volées de puffins, de fulmars et de goélands se forment dans le sillage des chalutiers-usines lorsque ceux-ci relèvent leurs filets, et cette récupération des restes des activités humaines est devenue un mode de vie pour de nombreux oiseaux. Les sous-produits de la pêche ont assurément profité à certaines espèces. L’expansion spectaculaire des Fulmars boréaux dans l’Atlantique et la multiplication du nombre de Mouettes tridactyles dans le golfe du Saint-Laurent avant 1990 sont probablement attribuables à l’avantage que ces deux espèces tirent des déchets de la pêche. En revanche, le moratoire de 1992 sur la pêche à la morue à Terre-Neuve-et-Labrador et la fermeture subséquente des usines de poissons ont affecté la reproduction des goélands dans cette province et conduit au déclin de leurs populations.
Labbe à longue queue
Certaines activités de pêche ne profitent pas aux oiseaux. Certaines pratiques compromettent les populations de grands albatros et de pétrels dans les mers australes. Ces oiseaux se font souvent prendre aux hameçons utilisés dans l’industrie de la pêche à la palangre. Ce type de pêche offre une source de nourriture attrayante, mais malheureusement un certain nombre d’oiseaux avalent l’hameçon en même temps que l’appât et meurent quand le treuil remonte la ligne. Une autre cause de mortalité des albatros est liée aux câbles qui font partie de l’équipement sonar de certains chalutiers. Ils peuvent fouetter de manière imprévisible pendant que le chalut est étendu, et couper les ailes des albatros qui suivent les navires.
Au Canada, en particulier à Terre-Neuve-et-Labrador, l’installation de filets maillants en monofilament, destinés aux morues et aux saumons et moins visibles que les autres filets, peut entraîner l’enchevêtrement et la noyade des oiseaux marins. Les guillemots et les petits pingouins sont particulièrement vulnérables à ce type de tragédie, et sont parfois tués par centaines par un seul filet, surtout s’il est laissé dans l’eau durant la nuit. Les filets qui sont perdus dans les tempêtes peuvent dériver pendant des années dans l’océan et représenter un danger constant pour les oiseaux marins imprudents. Des fragments de filets de pêche en nylon sont également utilisés par les fous de Bassan dans la construction de leurs nids, et certains oisillons s’empêtrent dans ces déchets.
Les oiseaux marins qui passent de longues périodes posés sur l’eau sont très vulnérables aux déversements d’hydrocarbures en mer, surtout en hiver. Une fois que le pétrole brut ou d’autres produits pétroliers pénètrent leur plumage, ils détruisent les huiles naturelles que les oiseaux lissent sur leurs plumes, provoquant la perte de leur étanchéité. Lorsque l’eau pénètre leurs plumes, les oiseaux ne sont plus isolés du froid et doivent dépenser beaucoup d’énergie pour se réchauffer. En outre, ils peuvent ingérer le pétrole quand ils lissent leurs plumes, et s’empoisonner. Les oiseaux fortement mazoutés meurent habituellement d’une combinaison de causes, et même ceux qui sont légèrement mazoutés peuvent succomber si la nourriture est rare. Les pingouins sont généralement les plus touchés par le pétrole, tandis que dans les eaux côtières les plongeons huards, les grèbes, les cormorans et les canards marins souffrent aussi énormément.
Les gros déversements dus aux accidents de navigation ou aux fuites de puits de pétrole sont responsables d’une forte mortalité, mais les rejets habituels d’hydrocarbures dans le cadre des procédures normales d’exploitation de nombreux navires sont sans doute plus dommageables pour les oiseaux marins. Ces dernières années, des règlements stricts ont été adoptés pour éviter le déversement d’hydrocarbures en mer dans les eaux canadiennes, et les survols de la Garde côtière canadienne ont considérablement réduit la quantité d’hydrocarbures déversés dans les eaux canadiennes, conduisant à une réduction du nombre d’oiseaux mazoutés échoués sur la terre.
Haut de la pageCe que vous pouvez faire
Étant donné qu’ils passent l’essentiel de leur vie en mer et que beaucoup d’entre eux se reproduisent sur des îles inaccessibles, les oiseaux marins ne sont pas faciles à observer, mis à part les goélands familiers. Cependant, quelques-unes des principales colonies de reproduction du Canada peuvent être atteintes sans difficulté. À Terre-Neuve-et-Labrador, la colonie des Fous de Bassan, des guillemots et des mouettes de Saint-Mary est accessible par la route à partir de Saint-John’s. Une visite pendant la saison de reproduction (avril à août) est une expérience vraiment spectaculaire.
Les colonies de mouettes, de macareux et de guillemots des îles de Witless Bay et de l'île Baccalieu à Terre-Neuve-et-Labrador sont visitées par des bateaux de touristes réguliers. Ces bateaux proviennent des ports de pêche voisins, à savoir Bay Bulls et Witless Bay, situés juste au sud de Saint-John’s, et Bay de Verde à l’extrémité Nord de la baie de la Conception. À la pointe de la péninsule gaspésienne, au Québec, la colonie de Fous de Bassan et de guillemots de l'île Bonaventure peut être atteinte par les navires de croisière réguliers partant de Percé. Qu’elle soit observée depuis la terre ou depuis un bateau de croisière au pied des falaises, cette colonie de Fous de Bassan est vraiment impressionnante.
Guillemot à miroir
En mer, les oiseaux marins peuvent être observés à partir des divers traversiers qui traversent l’estuaire du Saint-Laurent, en particulier celui de Matane à Godbout (Québec), celui de Cape Breton (Nouvelle-Écosse) à Port-aux-Basques (Terre-Neuve-et-Labrador), ou celui de Sainte-Barbe (Terre-Neuve-et-Labrador) à Blanc-Sablon (Québec). En Colombie-Britannique, de nombreux oiseaux marins peuvent être aperçus à partir du traversier de Vancouver à Victoria, en particulier dans les passages qui séparent les îles du Golfe, où les forts courants créent de bonnes conditions d’alimentation pour les oiseaux. Une bonne manière d’observer les albatros et d’autres oiseaux océaniques est de participer à l’une des croisières d’observation des baleines qui partent de la côte Ouest de l’île de Vancouver.
Plusieurs organisations nord-américaines sont particulièrement concernées par l’étude et la conservation des oiseaux marins, par exemple le Pacific Seabird Group et la Waterbird Society. La Fédération canadienne de la faune finance également des recherches sur les oiseaux marins, comme la Mouette de Sabine, la Mouette rosée et la Mouette blanche. À Haida Gwaii (îles de la Reine-Charlotte) la Laskeek Bay Conservation Society organise des activités de recherche et d’interprétation sur les oiseaux marins. Toute personne intéressée à se familiariser avec les oiseaux marins peut communiquer avec ces sociétés, ou avec le Service canadien de la faune d’Environnement Canada, pour plus d’informations.
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Ressources
Macareux moine
Ressources en ligne
Environnement Canada, Les oiseaux de mer: des espèces sentinelles du golfe
Cornell University Laboratory of Ornithology (en anglais seulement)
Ressources imprimées
NAGLE, R. Pingouins, Laval, Intrinsèque 1990.
ROBBINS, C.S., B. BRUIN et H.S. ZIM. Guide des oiseaux de l’Amérique du Nord, éd. revue et aug., Montréal, Éditions Marcel Broquet, 1994.
SAVAGE, C. Ces merveilleux oiseaux du Canada, Montréal, Les Éditions La Presse, 1985.
© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l’Environnement, 1995, 2013. Tous droits réservés.
Texte : Tony Gaston, Environnement Canada