Paysage
Fédération canadienne de la fauneEnvironnement et Changement climatique Canada
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Description

D’un plumage brun fuligineux, le Canard noir (Anas rubripes) est commun dans les étangs et les marais de l’Est du Canada. Il est le seul canard commun de l’Est de l’Amérique du Nord chez qui les deux sexes sont à peu près identiques. Le mâle et la femelle du Canard noir ressemblent à la femelle du Canard colvert, quant à la taille et à l’aspect. Son corps brun est cependant plus foncé que celui du Canard colvert et, contrairement à lui, il est dépourvu de plumes blanchâtres en bordure de la queue et des bandes alaires blanches si facilement repérables. Le plumage de la tête et du cou est plus pâle que celui du reste du corps, et l’on peut remarquer sur l’aile un beau spéculum ou miroir bleu violacé. En vol, on reconnaît cet oiseau au contraste que produit le blanc du dessous des ailes avec le reste du corps.

La couleur du bec et des pattes permet de déterminer l’âge et le sexe des individus. Ces différences avaient fait croire autrefois qu’il y avait deux sous-espèces du Canard noir : une race du Nord, à pattes rouges, et une race « commune » du Sud. Le baguage, le procédé qui consiste à fixer une bague d’aluminium à la patte d’un oiseau pour en suivre les déplacements, a démontré de manière concluante que ce n’est pas le cas.

Dans l’Est de l’Amérique du Nord, environ 5 p. 100 des canards sauvages qui ressemblent au Canard noir sont en fait des hybrides résultant du croisement de cette espèce avec le Canard colvert dans la nature. Cette proportion est parfois beaucoup plus élevée dans certaines régions. Les hybrides sont difficiles à reconnaître, mais présentent parfois des caractéristiques comme des traces de vert sur le côté de la tête et des traces de blanc en bordure du miroir bleu. De même, les Canards colverts qui ont certaines caractéristiques du Canard noir, sont également le résultat du croisement entre les deux espèces. Le Canard noir est en effet issu très probablement d’un ancêtre du Canard colvert.

Signes et sons

Le cri de la femelle est un couac grave, isolé ou en série, impossible à distinguer du cri du Canard colvert femelle. Cependant, le cri du mâle est plus ténu, plus doux et plus court, et ressemble à un quek aigu.

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Habitat et habitudes

L’espèce occupe des habitats assez divers dans son aire de nidification. Au Canada, les plus fortes densités se trouvent dans la région forestière des Grands Lacs et du Saint-Laurent, une région de forêts mixtes. Sur la côte atlantique et dans l’estuaire du Saint-Laurent, le Canard noir abonde particulièrement dans les marais littoraux. Grâce à leurs cours d’eau, étangs et lacs innombrables, le Nord de l’Ontario et du Québec fournit un habitat de reproduction très vaste, mais peu peuplé. En outre, de petites troupes hivernent dans le Sud du Canada (voir la carte) tant à l’intérieur, sur les plans d’eau qui demeurent libres de glace et où l’oiseau trouve d’abondantes sources de nourriture, que dans les baies et les estuaires, sur la côte atlantique.

Contrairement aux canards plongeurs, qui doivent courir sur la surface de l’eau pour prendre leur envol, le Canard noir s’envole à la verticale comme plusieurs autres canards barboteurs.

Caractéristiques uniques

Chaque automne et hiver, tous les canards cherchent à retourner aux mêmes marais, mais cette fidélité est plus accentuée chez le Canard noir. Ainsi, certains Canards noirs ont déjà préféré mourir de faim dans des vasières gelées de la Nouvelle-Angleterre plutôt que de s’aventurer plus au sud en terrain mal connu.

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Aire de répartition

Aire de répartition du Canard noir

Le Canard noir s’observe dans les régions forestières de l’Est et du Centre de l’Amérique du Nord, essentiellement à l’est des grandes plaines et au sud de la toundra.

Au fur et à mesure que le mercure baisse et que les zones d’alimentation gèlent, la migration vers le sud s’amorce. Celle-ci débute plutôt (soit au début de septembre) dans la zone boréale intérieure de l’aire, puis s’étend peu à peu en un front élargi vers le sud et la côte. Les espèces nord-américaines de sauvagine empruntent une ou plusieurs des quatre grandes voies de migration que constituent les corridors de l’Atlantique, du Mississippi, du Centre et du Pacifique. La plupart des Canards noirs passent par le corridor de l’Atlantique, mais le tiers des effectifs environ suit celui du Mississippi. Il n’y a pas de nuées migratoires de Canards noirs, comme c’est le cas pour certaines espèces des Prairies. Ils se déplacent plutôt par groupes de 20 à 100, faisant escale d’un lieu propice à l’alimentation à un autre.

Lorsque les nicheurs du Nord atteignent le Sud du Canada, ils font face pour la première fois à des concentrations de chasseurs. Le Canard noir, naturellement alerte et méfiant, est parmi les espèces les plus difficiles à attirer. Pour survivre, il leur faut apprendre à éviter les leurres, les appeaux et les caches. Les canards se tiennent durant les heures du jour en groupes denses, loin au large sur les grands plans d’eau où l’on ne peut les approcher, et ne vont se nourrir dans les champs de céréales fauchés ou dans les marais qu’entre le crépuscule et les premières lueurs de l’aube.

Dès la première semaine de novembre, des Canards noirs migrateurs atteignent les lieux d’hivernage situés le plus au nord, soit le long des lacs Érié et Ontario ainsi que du Saint-Laurent, et sur la côte atlantique, depuis la baie de Fundy vers le sud. Quelques individus passent l’hiver dans les anses découpées de la Nouvelle-Écosse. L’archipel de Grand-Manan en retient quelques-uns, mais la plupart poursuivent leur chemin vers le sud.

Le long de la côte atlantique, les Canards noirs migrateurs se mêlent alors à d’autres espèces : macreuses des trois espèces indigènes (Macreuses noires, Macreuses à front blanc, Macreuses à ailes blanches), Canards kakawi et Canards arlequins, eiders, Bernaches du Canada et Bernaches cravants. Ces troupes bigarrées partent ensemble vers les grandes baies et anses des aires d’hivernage du littoral médio-atlantique des États-Unis. Les Canards noirs qui proviennent des confins septentrionaux du milieu boréal s’arrêtent très tôt, dès qu’ils atteignent des sources de nourriture qui ne disparaîtront pas sous les glaces durant l’hiver. La migration décroît peu à peu dans les premières semaines de décembre.

À l’intérieur du continent, l’espèce hiverne également en grands nombres dans les marais et les vallées fluviales qui se trouvent au sud des Grands Lacs.

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Alimentation

À l’époque où naissent les canetons, la surface des ruisseaux, des lacs, des étangs et des marais est une soupe nutritive de larves de moustiques et d’autres invertébrés aquatiques (par exemple, des insectes et d’autres petits organismes). Ce sera la seule nourriture des canetons pendant leurs deux premières semaines de vie. À mesure qu’ils deviennent plus forts, ils passent à des proies plus grosses, comme des têtards et des escargots, avant de finalement manger, en barbotant en surface, les graines et les tubercules de diverses plantes aquatiques qui constituent alors le menu des adultes. 

Les aliments d’origine animale, c.-à-d. bigorneaux, moules et escargots, deviennent de plus en plus importants pour les Canards noirs qui hivernent sur la côte. Ceux qui passent l’hiver dans les terres continuent de manger des graines et d’autres parties de diverses plantes aquatiques. Le maïs laissé après la récolte dans les champs, près des plans d’eau fréquentés par le Canard noir, est une source importante de nourriture à la fin de l’automne et en hiver. 

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Reproduction

La saison d’accouplement commence à l’automne et, à la mi-décembre, la plupart des couples sont formés. La période de rapprochement des immatures débute un peu plus tard, mais presque tous les Canards noirs sont appariés avant d’arriver sur les lieux de reproduction au printemps.

C’est la femelle qui choisit l’emplacement du nid : il est généralement situé dans une touffe d’herbes, sous un arbuste ou un arbre ou encore dans un trou ou une fourche d’arbre, près du sol. À l’aide de son bec et de ses pattes, elle creuse une dépression qu’elle garnit d’herbes, de feuilles et d’autres matières végétales sèches. Durant les 7 à 14 jours que dure la ponte des œufs blanc crème ou chamois verdâtre, au nombre de 7 à 12 (9 en moyenne), elle ajoute du duvet qu’elle s’arrache du corps.

La couvaison dure jusqu’à 29 jours après la ponte du dernier œuf. Lorsque la femelle s’absente du nid, elle recouvre les œufs de duvet pour les garder au chaud. Le mâle demeure à proximité du nid pendant de une à trois semaines de plus, mais ne participe pas à la couvaison. Plus la période d’incubation avance, plus les mâles deviennent agités; ils quittent les femelles couveuses pendant des périodes de plus en plus longues.

Au moment où les premiers œufs éclosent, les mâles s’envolent vers le grand plan d’eau le plus proche et se rassemblent en son centre. C’est là qu’ils muent. Incapables de voler pendant une dizaine de jours jusqu’à ce que leurs rémiges repoussent, ils sont vulnérables, et leur protection contre les prédateurs, comme les humains, rapaces diurnes et hiboux, tient alors au fait qu’il est impossible de s’approcher d’eux sur ces grandes étendues dégagées sans se faire repérer. Ils plongent alors pour échapper au danger.

Les canetons éclosent à quelques heures d’intervalle et, peu de temps après, la femelle les mène à l’eau pour se nourrir. Si le nid est loin de l’eau et que les ruissellements de fonte se sont taris, le voyage risque d’être long et périlleux pour les petits.

La mère surveille les canetons de près pendant sept ou huit semaines, jusqu’à ce que les premières plumes de vol apparaissent. Puis, laissant les jeunes se nourrir et apprendre à voler seuls, elle se retire dans un endroit isolé pour muer. À son tour, elle perd ses rémiges et demeure incapable de voler pendant une dizaine de jours, jusqu’à ce qu’il lui en pousse de nouvelles.

Dès qu’ils sont capables de voler des marais jusqu’aux vastes étendues des lacs, les jeunes quittent les femelles pour rejoindre les mâles. Plus tard, les femelles arrivent à leur tour une à une, portées par leurs plumes neuves et lustrées.

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Conservation

Bien que robuste, le Canard noir a continué d’être un sujet de préoccupation pour les écologistes au cours des dernières décennies. L’effectif de cet oiseau, autrefois considéré comme le canard barboteur le plus abondant de l’Est de l’Amérique du Nord, a amorcé une chute marquée au cours des années 1950 pour atteindre son niveau le plus bas au début des années 1980. Les populations se sont actuellement stabilisées, mais elles ont diminué de moitié depuis le début des années 1950.

Le Canard noir

Le Canard noir
Photo: USFWS/Maslowski Photo

Le déclin de la population du Canard noir entre les années 1950 et 1980 a eu de nombreuses causes : perte d’habitats de reproduction et d’hivernage, chasse, compétition avec le Canard colvert pour les sites de nidification et hybridation avec cette espèce. Au Canada, durant ces trente années, la perte d’habitat dans les régions agricoles et industrielles du Sud de l’Ontario et du Québec a fait grandement chuter l’effectif nicheur de cette espèce. Les relevés subséquents nous ont appris que la population totale du Canada se stabilisait et que dans le reste de l’habitat de reproduction situé en milieu forestier, soit la majeure partie du Nord-Est ontarien, du Québec boréal et des provinces de l’Atlantique, l’effectif nicheur était stable ou en hausse.

Comme réponse initiale au déclin de l’effectif sur le continent nord-américain, les États-Unis et le Canada ont d’abord rendu la réglementation de chasse plus stricte, en 1983 et en 1984 respectivement. Au Canada, d’autres restrictions s’imposaient, et des règlements améliorés ont été introduits en 1989 et en 1990. Par la suite, la pression de chasse a diminué si bien que depuis 1989, les prises annuelles ont baissé en moyenne de quelque 26 p. 100 au Canada et d’environ 44 p. 100 aux États-Unis.

La signature du Plan nord-américain de gestion de la sauvagine (PNAGS) par le Canada et les États-Unis en 1986 constitue un autre jalon important de la conservation du Canard noir. Ce plan de protection et de mise en valeur des milieux humides de toute l’Amérique du Nord vise à rétablir les populations de canards, d’oies et de cygnes aux niveaux où elles étaient durant les années 1970.

Les relevés aériens à grande échelle des effectifs nicheurs des canards de l’Est, de la Bernache du Canada et d’autres oiseaux non gibier, entrepris en 1990 dans le cadre du Plan conjoint sur le Canard noir (l’un des volets du PNAGS), sont précieux pour l’analyse en cours des tendances démographiques des populations reproductrices.

Les gestionnaires font actuellement face à des dégradations de l’habitat du Canard noir dans ses quartiers d’hiver. Ainsi en est-il sur la côte médio-atlantique des États-Unis, où l’on creuse des fossés de drainage pour lutter contre les moustiques, et où l’on aménage des lagunes, construit des ensembles immobiliers et note plusieurs incidences de pollution de l’environnement par des contaminants.

Par ailleurs, rien n’indique qu’il y ait eu des pertes importantes d’habitat de reproduction du Canard noir depuis les années 1980, sauf à des endroits bien délimités comme près des aménagements hydro-électriques de la baie James. En fait, la prolifération actuelle des castors et de leurs barrages pourrait même avoir pour effet d’accroître cet habitat dans les milieux humides.

Dans les territoires que l’espèce partage avec le Canard colvert, la compétition pour l’habitat et l’hybridation avec cette espèce génétiquement dominante pourraient contribuer au déclin du Canard noir en tant qu’espèce distincte. Depuis 1940, le lâcher de quelque 1,7 million de Canards colverts d’élevage dans l’aire de répartition du Canard noir a vraisemblablement accentué le problème de l’hybridation, mais aussi celui de la concurrence entre les deux espèces pour les sites de nidification, celles-ci semblant rechercher des milieux humides qui présentent les mêmes caractéristiques.

Les produits toxiques ont également des répercussions sur l’effectif nicheur du Canard noir. De nos jours, les traces de DDT que contient encore la chaîne alimentaire ne semblent pas avoir un effet important sur cet oiseau. (Les États-Unis ont banni le DDT en 1971 et le Canada a progressivement cessé de l’utiliser.) Toutefois, les insecticides utilisés aujourd’hui contre la tordeuse des bourgeons de l’épinette peuvent causer des baisses temporaires du nombre des invertébrés aquatiques (insectes et très petits animaux aquatiques) qui servent de nourriture aux canetons. En outre, l’acidification des milieux d’eau douce par les pluies et les neiges acides peut également faire mourir beaucoup d’invertébrés et ainsi affamer les canetons.

L’empoisonnement causé par l’ingestion de grenaille de plomb et d’agrès de pêche fabriqués avec ce métal provoque la mort de spécimens de sauvagine et a aussi d’autres répercussions sur eux depuis plus de 30 ans. Il peut aussi affaiblir les oiseaux et les rendre plus susceptibles à la maladie. Les risques d’exposition devraient diminuer, puisque le Canada a établi récemment des zones d’interdiction de munitions au plomb dans les endroits les plus vulnérables, et que les États-Unis ont interdit en 1991 les projectiles de ce type.

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Ressources

Ressources en ligne

Cornell University Laboratory of Ornithology (en anglais seulement)

Ressources imprimées

DELAUNOIS, A. Les oiseaux de chez nous, 2e éd. rév. et corr., Saint-Lambert (Québec), Éd. Héritage inc., 1990, p. 40 et 41.

FONDATION LES OISELEURS DU QUEBEC INC. Protégeons le Canard noir. (Diaporama d’une durée de 12 minutes sur la situation du Canard noir au Québec, disponible en location auprès de la Fondation Les oiseleurs du Québec inc., Case postale 8837, Sainte-Foy [Québec] G1V 4N7), 1987.

GODFREY, W. E. Les oiseaux du Canada, éd. rév., Musées nationaux du Canada, réimprimé en 1989, La Prairie (Québec), Éditions Marcel Broquet, en collaboration avec le Musée national des sciences naturelles, 1986.

PAQUIN, J. Le Canard noir : les hauts et les bas d’une espèce, Drummondville (Québec), Québec Oiseaux, 1993, 4(2):12­16.

SURPRENANT, M. Les oiseaux aquatiques du Québec, de l’Ontario et des Maritimes, Guides nature Quintin, Waterloo (Québec), Éditions Michel Quintin, 1993, p. 150-­153.


© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l’Environnement, 1973, 1994. Tous droits réservés.
N° de catalogue CW69-4/17-1994F
ISBN 0-662-99455-8
Texte : Bruce S. Wright
Révision scientifique : Mary Wyndham, 1994
Photo : Service canadien de la faune