Description
Le grizzli (Ursus arctos) est, après l’ours blanc, le plus gros carnivore terrestre d’Amérique du Nord et, comme lui, présente aux épaules une bosse formée par les muscles de ses pattes antérieures massives.
II a pour traits distinctifs une face quelque peu bombée et de très longues griffes aux pattes avant (voir le croquis). Son pelage va du blanc-crème ou du jaune-ivoire au noir. Les grizzlis ont généralement une fourrure de couleur claire ou grisâtre sur la tête et les épaules, le corps sombre et les membres de couleur encore plus foncée. La forme de leur corps et leur longue fourrure les font paraître plus massifs qu’ils ne le sont en réalité. Bien que certains individus puissent peser jusqu’à 500 kg, un mâle moyen pèse entre 250 et 350 kg tandis que la femelle pèse la moitié moins.
La famille des ours comprend sept espèces que l’on trouve dans la moitié nord des hémisphères Ouest et Est, ainsi qu’en Amérique du Sud. L’ours brun (Ursus arctos) est l’une des trois espèces d’ours d’Amérique du Nord. Les deux autres sont l’ours blanc (Ursus maritimus) et l’ours noir (Ursus americanus).
Le grizzli a d’abord été considéré comme une espèce propre à l’Amérique du Nord et différente de l’ours brun d’Europe tout en lui étant très semblable. Même s’il possède des caractéristiques particulières, il a été reclassé en 1953 dans la même espèce que l’ours brun d’Europe et d’Asie.
II existe officiellement deux sous-espèces d’ours brun circumpolaire (Ursus arctos) en Amérique du Nord. Dans les îles Kodiak, au large de l’Alaska, on trouve le Kodiak de l’Alaska (Ursus arctos middendorffi). Les ours de l’autre sous-espèce (Ursus arctos horribilis), malgré qu’ils soient de tailles différentes en raison des facteurs géographiques qui entraînent des variations quantitatives et qualitatives dans leur alimentation, sont des grizzlis.
Signes et sons
Traces de grizzly
Habitat et habitudes
Le grizzli vit en solitaire. La superficie de son domaine vital peut varier, mais elle est généralement de 200 à 600 km2 pour les femelles et de 900 à 1 800 km2 pour les mâles. Très souvent, plus la nourriture abonde, plus le domaine est petit. Toutefois, les déplacements des mâles se font souvent en fonction de la recherche de femelles réceptives au moment de la saison de reproduction. Les déplacements des grizzlis peuvent être étudiés au moyen de petits émetteurs habituellement intégrés dans des colliers que l’on passe au cou de l’animal. Ces appareils ont permis d’établir que les grizzlis franchissent quelques fois jusqu’à 250 km, en ligne droite, au cours d’une année. Ils ont également révélé que les ours habitués à se nourrir de détritus peuvent franchir des distances dépassant 100 km pour retrouver une décharge qu’ils ont déjà fréquentée.
Le genre de terrain du domaine vital du grizzli peut influencer grandement la répartition de l’animal. Par exemple, dans les régions montagneuses, les femelles accompagnées de leurs petits ou les jeunes adultes indépendants fréquentent surtout les terrains accidentés de la partie amont des pentes et des bassins où les mâles adultes n’aiment pas s’aventurer. Ces derniers préfèrent le fond des vallées des grands bassins de drainage, se déplaçant sur les plus beaux sentiers et les cols les plus accessibles. Les mâles adultes s’attaquent parfois aux petits et aux jeunes adultes, et c’est pourquoi les femelles et les jeunes adultes les évitent le plus possible.
Le grizzli a toujours été une énigme pour les humains. Tout un ensemble de récits folkloriques et de fables s’est développé à propos de cet animal légendaire et redouté, mais souvent mal connu. Henry Kelsey est le premier explorateur blanc à avoir signalé des grizzlis dans son journal de voyage : il avait aperçu, le 20 août 1691, « une sorte d’ours immense » près d’un endroit qui s’appelle maintenant The Pas, dans le Centre-Ouest du Manitoba. Les capitaines Lewis et Clark, qui ont souvent dû faire face à des grizzlis, ont donné une description détaillée de l’animal dans leur journal de voyage en 1805. Ce n’est que dans les années 1960 que des études approfondies menées au Canada et aux États-Unis ont commencé à jeter une nouvelle lumière sur le grizzli et son comportement.
Caractéristiques uniques
Le grizzli est long à atteindre son plein développement et ne se reproduit que tous les trois ou quatre ans. Sa taille lui permet de régner sans partage sur la faune indigène. Sauf lorsqu’il est jeune, il n’a pas d’autre ennemi naturel que les humains.
Contrairement aux ours noirs, qui se sont adaptés aux humains et à leurs activités, les grizzlis n’ont pas réussi à faire face à la civilisation. L’histoire nous démontre qu’il existe un seuil de tolérance à l’ingérence des humains, seuil au-delà duquel les grizzlis ne peuvent survivre. Leur sens aigu du territoire et les dégâts qu’ils causent parfois aux cultures et au bétail ont donné lieu à des conflits avec les humains, inévitablement au détriment des grizzlis. Ainsi, leur aire de répartition en Amérique du Nord a diminué de plus de la moitié, tandis que celle des ours noirs s’est maintenue.
Le grizzli est rarement belliqueux. Sa taille lui permet d’éviter de se battre avec les autres animaux et, dans la mesure du possible, il évitera tout contact avec les humains. Le grizzli se montre moins assidu que l’ours noir autour des décharges, mais son go?t pour les détritus lui attirera, à l’occasion, des ennuis. S’il est surpris de trop près, il se défendra et protégera férocement ses petits et son territoire.
Aire de répartition
Historiquement, on trouvait le grizzli en grand nombre en descendant vers le sud jusqu’en Californie et au Mexique, et l’aire de répartition de cet ours couvrait la moitié occidentale de l’Amérique du Nord, environ jusqu’à la limite orientale du Manitoba. À mesure que les populations humaines ont augmenté, l’aire de répartition du grizzli a diminué. Elle ne couvre plus que le Nord-Ouest de l’Amérique du Nord (voir la carte).
D’après les données de 1985, la population de grizzlis serait répartie comme suit : 1 200 en Alberta, 6 500 en Colombie-Britannique, de 4 000 à 5 000 dans les Territoires du Nord-Ouest, de 5 000 à 8 000 au Yukon, 15 000 en Alaska et moins d’un millier au Montana, au Wyoming et en Idaho.
Haut de la page
Alimentation
Bien que classé comme carnivore, le grizzli est surtout un omnivore, c.-à-d. qu’il se nourrit de divers aliments d’origine tant végétale qu’animale. Les végétaux constituent de 80 à 90 p. 100 de son régime alimentaire. Le grizzli fera sa proie des mammifères et des saumons en migration qui lui tombent sous la patte, mais il se nourrit généralement de végétaux.
Lorsqu’ils sortent de leur tanière, au printemps, les grizzlis recherchent souvent les couloirs d’avalanche et les prés où apparaissent les premières plantes; on les voit fréquemment creuser le sol à la recherche de racines de sainfoin (Hedysarum), une légumineuse. En fait, cette racine riche en protéines, en glucides et en minéraux est peut-être la source alimentaire la plus importante dans toute l’aire de répartition du grizzli. Non seulement est-elle consommée en grande quantité en avril et en mai, mais elle constitue également un substitut adéquat aux baies, à la fin de l’été et à l’automne pendant les années où elles sont rares. À mesure que l’été approche, le régime alimentaire du grizzli se compose en grande partie d’agrostides, de prêles, d’oseille et d’autres plantes feuillues.
Pendant une brève période au printemps, les grizzlis dévorent les nouveau-nés du wapiti, de l’orignal, du cerf et du caribou, mais quelques semaines après leur naissance, ces jeunes animaux deviennent trop agiles et trop rapides pour être capturés par un ours. En de rares occasions, le grizzli peut s’attaquer à un wapiti, à un orignal, à un cerf ou à un caribou adulte, ou encore au bétail. Son odorat est très développé, et il peut sentir un animal mort à des distances considérables. Une fois qu’il l’a trouvé, il reste généralement dans les parages jusqu’à ce que la charogne soit entièrement consommée.
S’il en trouve en quantités suffisantes, le grizzli mangera des fourmis, des coccinelles, des abeilles ainsi que d’autres insectes adultes ou à l’état de larve. Les grizzlis vivant à proximité des rivières à saumon se gorgent de poissons au moment de la migration. De même, dans la toundra arctique, les ours se nourrissent abondamment de spermophiles arctiques à la fin de l’été.
Toutefois, dans presque toute l’aire de répartition du grizzli, les baies demeurent l’élément le plus important de son alimentation. Elles sont le plus souvent à l’origine de l’accumulation de graisse nécessaire à la survie de l’animal pendant l’hiver. Les baies les plus importantes sont les shépherdies du Canada, les bleuets, les gueules noires, les airelles canneberges, les petites poires et les camarines.
Le grizzli profite également de la nourriture et des détritus que les gens mettent négligemment à sa disposition. Animal intelligent, il devient vite un habitué des terrains de camping ou des décharges s’il y trouve aisément de quoi se nourrir. Même si cette nourriture est nutritive et abondante, une telle pratique aboutit souvent, entre les ours et les humains, à un affrontement à l’issue parfois tragique pour les uns et pour les autres. Il incombe donc aux gestionnaires de la faune et au public de veiller à ce que les ours n’aient pas accès à la nourriture destinée aux humains.
Haut de la pageReproduction
Les oursons naissent dans une tanière hivernale, habituellement en janvier ou en février. Ils sont très petits : ils pèsent environ 400 g et mesurent moins de 22,5 cm. La portée compte généralement deux petits, mais elle peut varier de un à quatre. La croissance des oursons est très rapide et, lorsqu’ils quittent la tanière avec leur mère au printemps, ils pèsent environ 8 kg. Ils continuent de prendre rapidement du poids durant l’été et approchent les 45 kg lorsqu’ils regagnent la tanière hivernale. Ils restent en général avec leur mère jusqu’au mois de juin de leur troisième année.
Le grizzli a un faible taux de reproduction. La femelle n’a aucune portée avant d’avoir atteint l’âge de cinq à sept ans et ne met bas que tous les trois à quatre ans par la suite. Étant donné que la plupart des femelles cessent de s’accoupler après l’âge de vingt ans, elles auront tout au plus quatre à cinq portées au cours de leur vie. Il est possible de déterminer l’âge d’un ours d’après les couches de ciment qui tiennent ses dents dans leur alvéole. Comme une nouvelle couche apparaît chaque année, on a pu établir que les ours en liberté peuvent vivre jusqu’à 25 ans.
Moins actif après la saison de reproduction, le grizzli engraisse grâce à l’abondance de nourriture qu’il trouve en été, ce qui lui permet de tenir tout l’hiver dans sa tanière. Les femelles s’installent généralement les premières dans leur tanière, soit vers la mi-novembre, selon leur état physique et les conditions météorologiques. Les mâles ne gagnent habituellement leur tanière qu’à la fin de novembre ou au début de décembre, et en émergent souvent dès mars. Les femelles, surtout lorsqu’elles ont mis bas, tendent à rester dans leur tanière jusqu’à ce que leurs petits aient atteint une taille raisonnable, à la fin d’avril ou au début de mai.
Contrairement à une croyance populaire, les grizzlis n’hibernent pas vraiment. Une véritable hibernation comporte une baisse marquée de la température corporelle et du rythme respiratoire; chez le grizzli, la température corporelle ne fléchit que de quelques degrés et le rythme respiratoire ne descend que légèrement au-dessous de la normale. En outre, les véritables animaux hibernants, tels que le spermophile, tombent dans un profond sommeil hivernal, ce qui n’est pas le cas des grizzlis ni des ours noirs, qui sont tout au plus léthargiques et qui peuvent même rester actifs tout l’hiver.
Conservation
Les grizzlis sont d’abord chassés comme gibier dans tout l’Ouest canadien, au printemps et à l’automne. De plus, chaque année, des agents de protection de la nature en capturent ou en abattent comme prédateurs ou parce qu’ils deviennent une menace pour les gens.
D’une façon générale, le grizzli n’est pas un hôte s?r pour les parasites. Les quelques vers solitaires et vers ronds qui l’habitent sont habituellement éliminés durant la période de sommeil hivernal, lorsque le système digestif de l’ours est au repos. Le grizzli ne porte habituellement que quelques puces et tiques dans sa fourrure. De plus, les blessures reçues à la chasse ou dans les combats s’infectent rarement, et le grizzli vivant en liberté est un animal assez peu touché par les maladies. Cependant, les ours en captivité souffrent parfois de diarrhée, de tuberculose, de typhus et d’arthrite.
Animal des contrées sauvages, le grizzli ne peut survivre que dans des régions relativement peu perturbées. Les humains constituent pour lui la plus grande menace, non pas tant par la chasse sportive qu’en raison de l’augmentation des populations humaines qui entraînent un rétrécissement continuel de son habitat. C’est seulement en connaissant mieux cet animal et ses besoins que les Canadiennes et les Canadiens en feront un véritable élément de leur patrimoine naturel et non pas une simple image dans un livre.
Ressources
Ressources imprimées
BANFIELD, A. W. F. Les mammifères du Canada, 2e éd., Musées nationaux du Canada, Québec, Presses de l’Université Laval, 1977.
© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l’Environnement, 1973, 1987, 1990. Tous droits réservés.
No de catalogue CW69-4/38-1990F
ISBN 0-662-96389-X
Texte : K. Mundy
Révision scientifique : R. H. Russell, 1990
Photo : Robert McCaw