Description
La moufette rayée (Mephitis mephitis) est à peu près de la taille d’un chat, mais elle est assez corpulente, avec une tête plutôt petite, des pattes courtes et une queue fournie. Elle peut aisément plonger sa petite tête dans des bocaux alléchants, mais elle y reste parfois prise au piège.
Son épaisse fourrure noire et lustrée est garnie d’un mince pinceau blanc au centre du front. Une large rayure blanche prend naissance au-dessus de la tête, bifurque au niveau des épaules et rejoint, de chaque côté du dos, la base de la queue. Le plus souvent noire, celle-ci peut porter des raies se terminant généralement par une touffe blanche à l’extrémité.
La moufette a de longues griffes droites qui lui servent à déterrer les souris de leur trou, à déchiqueter de vieilles bûches à la recherche de vers et de larves, et à creuser le sable où sont cachés les œufs de tortue. Elle se déplace posément, sans hâte, ne cherchant son salut ni dans la fuite ni dans la dissimulation : elle compte, pour se défendre, sur ses glandes sécrétrices.
La moufette appartient à la famille des mustélidés, dont tous les membres possèdent des glandes sécrétrices développées qui dégagent une odeur musquée. Toutefois, cette caractéristique est particulièrement marquée chez la moufette, qui peut éjecter un liquide nauséabond pour se défendre, d’où son surnom familier de « bête puante ». En fait, son nom scientifique, le mot latin mephitis, signifie « nauséabond ».
Signes et sons
Lorsqu’elle est irritée, la moufette se met à gronder ou à siffler et à taper rapidement de ses pattes de devant.
Habitat et habitudes
La moufette rayée est l’un des petits mammifères les plus utiles parmi ceux qui habitent les régions du Canada où alternent fermes, prairies et forêts. , À la différence de beaucoup d’autres animaux, elle s’est bien adaptée à la présence de l’être humain, et son aire de répartition est bien plus étendue qu’à l’origine.
La moufette a une prédilection pour les zones découvertes où les forêts côtoient les prairies, et craint peu l’être humain; elle a donc profité des nouveaux habitats que lui offrait le défrichement des forêts occasionné par la colonisation et l’agriculture.
Les moufettes occupent généralement des terriers abandonnés par des marmottes, des renards ou d’autres mammifères de taille semblable ou supérieure et creusent rarement leur propre terrier. Elles utilisent également des souches, des tas de pierres ou des monceaux de détritus; elles pourront même élire domicile sous une maison, sous une véranda ou dans une cave. Cette dernière habitude est particulièrement courante dans les régions agricoles.
Les moufettes qui gîtent sous un bâtiment ne doivent jamais être abattues à cet endroit. Elles doivent être piégées à l’extérieur. Pour se débarrasser des individus indésirables ou nuisibles sans leur faire de mal, on peut utiliser des pièges de type « boîte ou cage piège ». Ces derniers permettent de manier aisément l’animal sans cruauté et de le transporter à un endroit où l’on pourra le relâcher. Une fois que la moufette est capturée, on peut envelopper le piège de plusieurs sacs de toile pour transporter l’animal et le libérer à quelques kilomètres de distance. Pour savoir comment obtenir ces pièges, on peut communiquer avec la Société protectrice des animaux de la région.
Lorsque la moufette creuse elle-même son terrier, il est généralement rudimentaire, mais lorsqu’elle hérite de celui d’un autre animal, il peut être très perfectionné. On peut y trouver de une à cinq ouvertures bien dissimulées qui conduisent à tout un système de tunnels et de chambres. L’une de celles-ci, garnie de feuilles, sert de nid. Les feuilles peuvent également être utilisées pour obturer les ouvertures du terrier par temps froid. Pour rassembler ces feuilles, la bête les place sous son corps et les tient entre ses pattes, se traînant jusqu’à son terrier.
La moufette peut quitter son terrier en quête de nourriture à n’importe quelle heure de la journée, mais elle s’absente généralement à partir de la fin de l’après-midi ou en début de soirée pour toute la nuit. Elle s’approvisionne dans un rayon d’environ 800 m, et peut s’aventurer jusqu’à 2 km de son terrier en une nuit. Les mâles sont encore plus actifs durant le rut; ils peuvent alors parcourir 8 km en une seule nuit.
Munie dès l’automne d’une épaisse couche de graisse, la moufette choisit, en novembre ou en décembre, un terrier profond où elle passera l’hiver. On a déjà trouvé jusqu’à 20 moufettes dans un seul abri; mais elles y sont généralement beaucoup moins nombreuses. La mère et les petits gîtent habituellement ensemble, se terrant lorsque la température atteint environ 0 °C.
Le mâle reste actif jusqu’à ce que la température atteigne environ 10 °C sous zéro; il peut alors rejoindre sa propre famille ou d’autres mâles, ou même se terrer tout seul. Il peut sortir brièvement de son gîte à n’importe quel moment de l’hiver. Une même tanière peut abriter des mâles et des femelles, des jeunes et des vieux.
À la fin de février, dans certaines régions du Canada, l’animal commence à sortir de sa torpeur hivernale (inactivité) et reprend toutes ses activités vers la fin de mars. Dans les prairies et les régions les plus septentrionales de son aire de répartition, il ne réapparaît qu’un peu plus tard.
Caractéristiques uniques
L’odeur de la moufette provient d’un liquide épais, jaune et huileux, ou musc, sécrété par deux glandes situées de chaque côté de l’anus à la base de la queue. Ces glandes sont à peu près de la taille d’un raisin et contiennent environ une cuillerée à soupe de musc, quantité suffisante pour cinq ou six jets de liquide. Elles sont reliées par des conduits à deux petits mamelons qui sont dissimulés lorsque la queue est abaissée et découverts lorsqu’elle est levée. Le musc est fabriqué assez lentement, au rythme d’environ un tiers d’once par semaine, et n’est expulsé qu’en désespoir de cause, après des avertissements répétés.
La moufette n’est pas belliqueuse et préférera toujours battre en retraite devant l’être humain ou un autre ennemi de taille. Lorsqu’elle est irritée, elle se met à gronder ou à siffler et à taper rapidement de ses pattes de devant; elle peut même marcher quelques instants sur ses pattes de devant, la queue dressée dans les airs. La moufette rayée ne peut lancer son liquide dans cette posture. Pour utiliser cette arme, elle fait généralement le gros dos et arque son corps en forme de U de façon à présenter à la fois la tête et la queue à l’ennemi. Bon nombre de personnes qui connaissent les habitudes de la moufette rayée ont été déconcertées en rencontrant pour la première fois une moufette tachée, qui, face à l’agresseur, se dresse sur ses pattes antérieures en arquant son dos et sa queue vers l’avant.
La moufette projette le liquide sécrété par ses glandes en un jet finement vaporisé, qui peut porter jusqu’à 6 m et être dirigé avec beaucoup de précision jusqu’à une distance de 3 m. L’odeur est si forte que le vent peut la répandre sur près d’un kilomètre. À courte distance, le jet de la moufette cause de graves brûlures aux yeux et même des nausées; toutefois, ces symptômes disparaissent rapidement.
Aire de répartition
Il existe en Amérique du Nord trois groupes de moufettes représentés par huit espèces, dont deux seulement vivent au Canada. C’est la moufette rayée qui est l’espèce la mieux connue au pays. Son aire de répartition va maintenant du Mexique central aux Territoires du Nord-Ouest, et des Maritimes au Centre-Ouest de la Colombie-Britannique.
Les moufettes à nez de cochon (Conepatus) sont cantonnées au Sud-Ouest des États-Unis, au Mexique et en Amérique du Sud, tandis que la moufette à capuchon (Mephitis macroura) se trouve dans le Sud-Ouest des États-Unis et au Mexique. Parmi les quatre espèces de moufettes tachetées (Spilogale), la moufette tachetée orientale (Spilogale putorius) atteint presque la frontière canadienne entre le Minnesota et le Manitoba; toutefois, seule la moufette tachetée occidentale (Spilogale gracilis) se rencontre au Canada. On a parfois vu quelques individus de cette espèce dans le Sud de la Colombie-Britannique, mais pas à plus de 120 km au nord de Vancouver.
Alimentation
La moufette est indéniablement omnivore (elle mange une grande variété d’aliments). Elle se nourrit d’insectes, de souris, de musaraignes, d’écureuils terrestres, de lapereaux, d’œufs d’oiseaux et de plantes diverses. L’automne et l’hiver, son alimentation est, en proportions à peu près égales, carnée et végétarienne; l’été, elle se compose surtout d’insectes. Les moufettes sont particulièrement friandes de sauterelles, de grillons et de larves d’insectes, telles que les larves de vers blancs, de légionnaires et de vers gris. Elles mangent même des guêpes et des abeilles, qu’elles tuent avec leurs pattes de devant. Bien qu’elles importunent les agriculteurs par leurs intrusions dans les poulaillers et les ruches, on estime que près de 70 p. 100 de leur régime est constitué d’organismes nuisibles aux humains et que seulement 5 p. 100 de leur nourriture est prélevée sur des denrées utiles à ceux-ci.
Haut de la pageReproduction
Les moufettes s’accouplent à la fin de février ou en mars, lorsqu’elles sortent de leur terrier; les petits naissent habituellement au début de mai. La portée est généralement de quatre à six petits, bien qu’elle puisse varier de deux à seize.
À la naissance, une moufette pèse environ 15 g et, bien qu’elle n’ait presque pas de poil, elle ressemble déjà à l’adulte avec sa fourrure caractéristique blanc et noir, qui n’est complète qu’après 13 jours. Les yeux ne s’ouvrent pas avant 17 à 21 jours.
Lorsque les petits ont à peu près sept semaines, la mère les emmène à la recherche de nourriture; ils sont sevrés (ils ont délaissé le lait maternel pour d’autres formes de nourriture) au bout d’environ deux mois. Ils restent avec elle jusqu’à l’automne et peuvent la rejoindre dans son terrier hivernal.
Conservation
L’odeur de la moufette est une arme efficace contre la plupart de ses ennemis naturels. Pourtant, le lynx roux et les oiseaux de proie la chassent. La plupart des oiseaux, notamment les rapaces diurnes, les hiboux et les chouettes, ont développé leur acuité visuelle aux dépens de leur odorat; le Grand-duc d’Amérique surtout semble être relativement insensible à l’odeur et a fait de la moufette sa proie préférée.
Au Canada, les trappeurs prennent de 6 000 à 7 000 individus par an. Ce nombre ne représente toutefois qu’une fraction de la population totale, laquelle n’est pas gravement touchée par cette pratique.
Les automobiles constituent un danger bien plus grand. Les moufettes, comme les porcs-épics, accordent une confiance exagérée à leur mécanisme de défense et paient souvent cher l’insouciance avec laquelle elles traversent les routes.
Bien que la moufette nuise parfois aux éleveurs de volailles et aux apiculteurs, ses déprédations sont sans importance du point de vue économique. Elle est même utile à l’agriculture. En fait, elle s’est montrée si efficace contre le ver du houblon, dans l’État de New York, qu’une loi la protège à cet endroit. Ce petit mammifère est le plus important destructeur d’insectes nuisibles dans une vaste proportion de son aire de répartition.
La fourrure de la moufette est sans grand intérêt. Épaisse et luisante, elle peut être utilisée dans la confection de manteaux et de vestes, mais elle sert surtout à faire des garnitures. La plupart des peaux qui sont commercialisées au Canada proviennent de l’Est du pays.
Dans les années vingt, le prix des fourrures était élevé, et les moufettes entièrement noires étaient très recherchées; aussi a-t-on procédé à divers essais pour en faire l’élevage. Si les prix s’étaient maintenus, cette tentative aurait pu réussir. Mais aujourd’hui, l’élevage d’une de ces bêtes co?te beaucoup plus cher que ne rapporte sa fourrure. Cependant la valeur de la moufette est d’un autre ordre. C’est un animal intéressant à observer, qui joue un rôle important dans la nature, particulièrement comme destructeur de souris, de mulots et d’insectes.
La moufette joue un rôle important dans la transmission du virus de la rage, auquel tous les animaux à sang chaud, y compris l’être humain, sont vulnérables. Les cas de rage représentent un problème chronique dans maintes régions du Canada. La bête peut transmettre cette maladie à d’autres animaux, tant sauvages que domestiques, ainsi qu’aux humains, tout comme elle peut la répandre parmi ses semblables. Naturellement porté à fuir les humains, l’animal, une fois atteint de la rage, ne montrera plus aucune frayeur devant eux. Les enfants, en particulier, devraient être prévenus du danger qu’il y a à approcher des moufettes trop « amicales ».
Les autorités médicales recommandent à toute personne qui a été en contact avec un animal pouvant être atteint de la rage de laver immédiatement la blessure ou les surfaces ayant été exposées à l’animal avec de l’eau et du savon. Les vêtements qui pourraient être contaminés devraient être retirés. La personne en question devrait communiquer avec son médecin de famille ou se rendre à l’urgence de l’hôpital le plus près. Le médecin traitant doit aviser le médecin hygiéniste local. La maladie peut être prévenue si la personne qui est entrée en contact avec un animal atteint de la rage se fait traiter rapidement.
La rage est une maladie à déclaration obligatoire en vertu du Règlement sur la santé des animaux. Cela signifie que toute personne qui soupçonne qu’une moufette est atteinte de rage est légalement tenue de signaler l’animal aux autorités. S’il est possible de faire subir des tests à l’animal, on doit communiquer avec le bureau le plus près de l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Les coordonnées de ce bureau se trouvent dans les pages bleues de l’annuaire téléphonique. Un inspecteur de l’Agence donne suite à chacun des appels.
Ressources
Ressources imprimées
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BEAUDIN, L., et M.QUINTIN. Guide des mammifères terrestres du Québec, de l’Ontario et des Maritimes, Waterloo (Qc), Éd. du Nomade, 1983.
BIRD, D.M. Les petits animaux sauvages autour de la maison. Comment s’en accommoder, Centre de conservation de la faune ailée de Montréal, Montréal (Qc), 1987, p. 43–51.
MOUTOU, F., M. VIAL-ANDRU, et J. LHOSTE. La moufette, Vie Sauvage, Encyclopédie Larousse des animaux, n° 63, Paris, 1986.
WOODING, F.H. Les mammifères sauvages du Canada, La Prairie (Qc), Éd. Broquet inc., 1984, p. 117–119.
© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l’Environnement, 1973, 1979, 1988, 1994. Tous droits réservés.
N° de catalogue CW69-4/36-1994F
ISBN 0-662-98935-X
Texte : R.S. Miller
Réimprimé avec corrections, en 1994
Photo : Ed Cesar