La morue de l'Atlantique
Cet animal :
La morue de l’Atlantique (Gadus morhua) est un poisson de mer de moyenne ou de grande taille pesant de deux à trois kilogrammes en moyenne et mesurant entre 65 et 100 centimètres environ, bien que la plus grosse morue enregistrée pesait environ 100 kg et mesurait plus de 180 cm! Les spécimens qui vivent près des côtes sont généralement plus petits que ceux qui vivent au large, mais les mâles et les femelles sont de taille similaire, peu importe où ils vivent. La morue de l’Atlantique partage certaines caractéristiques physiques avec deux autres espèces de son genre, ou groupe d’espèces, appelé Gadus. La morue du Pacifique et la goberge de l’Alaska ont elles aussi trois nageoires dorsales arrondies et deux nageoires anales. Elles ont aussi de petites nageoires pelviennes directement sous leurs ouïes et des barbillons (ou moustaches) sur le menton. Les morues du Pacifique et de l’Atlantique ont une ligne blanche de chaque côté de leur corps allant de leurs ouïes à leur queue, ou à leurs nageoires pectorales. Cette ligne est en fait un organe sensoriel qui les aide à trouver des poissons en détectant leurs vibrations dans l’eau. La partie supérieure de la morue de l’Atlantique est souvent plus foncée que son ventre, qui lui est argenté, blanc ou crème. Sa couleur exacte varie d’un individu à l’autre et elle semble dépendre de son habitat pour se camoufler ou se fondre dans le paysage : une morue peut être rougeâtre ou verdâtre lorsqu’elle est entourée de beaucoup d’algues, alors qu’une couleur gris clair est plus commune chez les spécimens vivant près du fond sableux de l’océan. Une morue peut même être brun foncé en région rocheuse. La morue est souvent tachetée, ou présente beaucoup de marbrures ou de taches plus foncées. La morue de l’Atlantique peut vivre jusqu’à 25 ans.
Avant d’atteindre sa maturité et de devenir adulte, la morue larvaire vit dans la colonne d’eau qui sépare la surface et le substrat qui se trouve au fond. Ce stade est pélagique. Bien que certains spécimens restent en pleine eau toute leur vie, la morue tend à se rapprocher du fond pour vivre juste au-dessus du substrat du plancher océanique alors qu’elle se développe et se rapproche de la maturité. Un poisson qui vit au fond de la colonne d’eau est qualifié de démersal. Quoique les morues adultes puissent vivre dans une variété d’habitats, elles sont plus communes dans les zones rocheuses au substrat inégal. Les morues peuvent se trouver tout près de la côte comme dans les grands fonds de la limite du plateau continental. Cette amplitude d’habitats comprend des profondeurs allant de 5 à 600 mètres et des températures variant de 0 à 20 °C. Certaines populations de morues de l’Atlantique entreprennent des migrations saisonnières en se déplaçant par exemple des eaux polaires en été et en automne jusqu’à des eaux plus profondes vers le sud en hiver et au printemps. D’autres parcourent des distances considérables à la recherche de nourriture. La morue de l’Atlantique est une espèce qui vit en banc, c’est-à-dire qu’elle se déplace en grands groupes en ordre de grandeur. Les plus gros individus mènent généralement le banc, mais la structure du groupe peut changer, par exemple lorsqu’il rencontre de la nourriture. Plus petites, les jeunes morues de l’Atlantique sont la proie de nombreuses autres espèces de poissons, y compris des goberges, et même des morues plus grosses. Les morues adultes sont parfois la proie de mammifères marins et de poissons comme l’aiguillat commun et les requins. Avant le déclin récent de sa population, la morue de l’Atlantique adulte était considérée comme un prédateur de niveau trophique supérieur dans le nord-ouest de l’Atlantique.
La morue de l’Atlantique se trouve dans tout l’Atlantique Nord à des latitudes situées entre 80 °N et 35 °N. Dans la partie ouest de l’océan Atlantique, ces poissons se trouvent au nord à partir du Groenland et au sud jusqu’en Caroline du Nord. Elles vivent près des côtes de l’Islande dans la partie est de l’océan Atlantique; au sud, près des côtes européennes du golfe de Gascogne entre la France et l’Espagne; et au nord, dans la mer de Barents en Russie et en Norvège. Le plus important stock de morues du monde vit dans le nord-est de l’Arctique et s’appelle le stock arcto-norvégien.
La morue de l’Atlantique est omnivore et se nourrit d’une variété de proies, à l’aube ou au crépuscule. Certains spécimens présentent même un comportement cannibale! Les jeunes morues se nourrissent principalement de petits crustacés comme l’euphausia, le copépode, l’amphipode et d’autres animaux et larves qui flottent sur l’eau dans le zooplancton. Les morues adultes se nourrissent de poissons (capelan, hareng, lançon, flet et turbot, entre autres), de crustacés (crabe, homard et crevette) et d’autres invertébrés (y compris des fruits de mer, des ophiures et des cténophores). En fait, une morue mangera de presque tout, y compris des pierres, pour pouvoir digérer les anémones, les hydraires et les autres organismes qui poussent sur celles-ci.
Alors que la morue de l’Atlantique femelle atteint la maturité sexuelle entre l’âge de cinq et huit ans, les mâles l’atteignent généralement alors qu’ils sont légèrement plus jeunes et plus petits. Une fois la maturité atteinte, elles pondent au fond de l’océan dans une vaste zone du plateau continental. Selon l’endroit où elles vivent, les morues peuvent pondre de mars à juin. La morue femelle pondra entre deux et onze millions d’œufs. Le nombre d’œufs pondus varie typiquement en fonction de la taille de la femelle. Ces œufs ont un diamètre d’un à deux millimètres. Après la ponte des œufs, les mâles compétitionnent entre eux pour les féconder. Les œufs fécondés flottent dans l’eau et remontent à la surface, où ils écloront. Une larve nouvellement éclose mesure environ cinq millimètres de longueur et elle dépend au début de sa vie d’une vésicule ombilicale remplie de nutriments attachée à son abdomen jusqu’à ce qu’elle l’absorbe complètement. Une fois que la larve aura absorbé sa vésicule ombilicale, elle devra commencer à chercher elle-même de la nourriture dans la colonne d’eau. Lorsqu’elle aura atteint une longueur d’environ quatre centimètres, la jeune morue descendra jusqu’au substrat pour s’y nourrir. Les œufs, les larves écloses et les jeunes morues sont très vulnérables aux courants de l’eau et aux poissons prédateurs : sur les nombreux millions d’œufs que chaque femelle pond, la probabilité de survie d’une morue jusqu’à sa maturité est d’environ un sur un million.
La morue de l’Atlantique est pêchée depuis des milliers d’années en Amérique du Nord par de nombreux peuples autochtones, y compris les Inuits, les Montagnais, les Malécites, les Micmacs et les Béothuks. Depuis l’an 1000 de notre ère, les Européens viennent pêcher la morue sur les côtes de l’Amérique du Nord. Les Norois ont été les premiers, suivis au XVIe siècle par les pêcheurs espagnols, portugais, français, basques et anglais. Ces pêcheurs traversaient l’Atlantique pour pêcher seulement en été avant de retourner en Europe en automne. Cette pêche saisonnière a mené à des colonies permanentes françaises, puis anglaises sur le territoire qu’occupe maintenant le Canada. Dans les années 1800, de vastes sociétés de pêcherie étaient établies le long de la côte est du Canada, récoltant entre 150 000 et 400 000 tonnes de morues annuellement. Les Européens du Nord préféraient la morue fraîche et son huile, alors que ceux du Sud et les Antillais préféraient la morue salée. La pêche à la morue de l’Atlantique était importante à cette époque, en partie parce que l’Église catholique permettait à ses croyants de manger du poisson lors des fêtes religieuses au cours desquelles la viande était interdite. Jusqu’au XXe siècle, les outils utilisés pour la pêche à la morue étaient relativement simples. Mais les changements technologiques des années 1900 ont marqué une nouvelle ère dans l’univers des pêches en permettant de plus grosses récoltes. Alors que le niveau de pêche était relativement stable jusque dans les années 1950 avec environ 900 000 tonnes de morues de l’Atlantique pêchées chaque année, il a grimpé à presque 2 000 000 tonnes à la fin des années 1960 avec le recours à d’immenses bateaux-usines du Canada et de l’étranger. Certains stocks de morues de l’Atlantique du large se sont effondrés dans les années 1970 en raison de cette pêche non durable. Le déclin dramatique des stocks de morues de l’Atlantique du large a poussé le Canada à étendre son contrôle sur les eaux côtières de 12 à 200 milles marins afin de réduire les pêches étrangères et à imposer une interruption de cinq ans de la pêche à la morue au large à partir de 1977. Mais en 1985, les stocks côtiers de morues de l’Atlantique semblaient aussi en déclin. En 1992, le ministre fédéral des Pêches et Océans a déclaré un moratoire (ou un arrêt) sur la pêche des stocks de morue du Nord-Est, dont la population avait chuté à moins d’un pour cent de sa biomasse originale. D’autres stocks aussi en péril ont été ajoutés au moratoire dans les années 1990 et au début des années 2000. La pêche continue, intense et non réglementée de la morue de l’Atlantique a eu un impact non seulement sur le nombre de morues, mais aussi sur leur migration, la structure des populations (comme le ratio de mâles et de femelles et le nombre de poissons de chaque groupe d’âge) et la taille des spécimens. Cet effondrement a aussi eu de graves conséquences sur les communautés de pêcheurs dont les emplois reposaient depuis des décennies sur cette pêche. En 2015, deux rapports sur la morue de l’Atlantique ont offert des messages d’espoir, mais aussi d’avertissement. Il semble que les stocks ont augmenté dans certaines zones et que la structure de leur population (les ratios d’âges et de sexes) est revenue à la normale. Mais avec les menaces supplémentaires, comme les changements climatiques par exemple, il est important de ne pas tirer de conclusion hâtive ou de généraliser ces résultats à tous les stocks. Plus d’études devront être réalisées avant d’être en mesure d’affirmer que la morue de l’Atlantique se régénère véritablement dans nos eaux.
Recherchez les espèces aquatiques en péril Stratégie de l'équipe de reconstruction de la morue Canada-Terre-Neuve-et-Labrador
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