Description
L’Arlequin plongeur (Histrionicus histrionicus) est un petit canard de mer relativement peu commun. Il tire son nom d’un personnage de la comédie italienne qui porte un masque et dont le costume est bariolé. Le mâle, très coloré, est l’un des plus beaux canards de mer qui existe. Les mâles pèsent en moyenne 700 g et les femelles, moins de 600 g, soit la moitié de la taille moyenne d’un Canard colvert.
De loin, l’Arlequin plongeur semble noir ou gris foncé, et on peut facilement le confondre avec d’autres canards de mer communs, comme les macreuses. Cependant, de plus près, le mâle adulte est particulièrement coloré et frappant. Il se caractérise par un plumage bleu ardoise, des flancs marron et des rayures blanches sur la tête et le corps. Il porte sur la tête des marques dont les plus distinctives sont une tache blanche en forme de croissant à la base du bec court et une tache auriculaire (c.-à-d. près de l’oreille) blanche. Son ventre est gris ardoise.
Les femelles et les jeunes n’ont pas l’éclat des mâles. La femelle est d’un brun-gris uniforme, plus foncé sur la tête. Elle a une tache blanche qui s’étend entre l’oeil et le bec, et une autre bien en vue près de l’oreille. Son ventre est blanc et tacheté de brun. Les jeunes ressemblent beaucoup aux femelles adultes et portent les mêmes taches blanches sur la tête. Toutefois, leurs parties supérieures sont plus foncées que celles des femelles adultes et leur ventre est marqué de lignes plus fines qui donnent une apparence uniforme plus grise. Les jeunes mâles acquièrent quelques caractéristiques de l’oiseau adulte pendant leur premier hiver, mais le plumage adulte n’apparaît pas avant la deuxième ou la troisième année.
De loin, l’Arlequin plongeur peut se distinguer des autres canards de mer par plusieurs caractéristiques. Il a le corps plus petit et le bec plus court que les macreuses, et il lève et baisse souvent la tête, tout en hochant celle-ci, quand il nage. De plus, les oiseaux de cette espèce forment normalement des bandes moins nombreuses et résident plus près de la côte que les autres canards de mer. Les femelles et les jeunes ne portent pas de tache blanche sur les ailes comme le Petit Garrot et la Macreuse brune.
Signes et sons
L’Arlequin plongeur émet un cri semblable à celui d’une souris.
Habitat et habitudes
Les habitudes de l’Arlequin plongeur sont insolites. Presque toute l’année, on le trouve sur les côtes océaniques, mais au printemps il quitte les eaux salées pour remonter les rivières et les ruisseaux à débit rapide afin de s’y reproduire.
Pendant l’hiver, les Arlequins plongeurs se regroupent pour se nourrir dans les eaux agitées des régions côtières peu profondes et rocheuses. Dans les aires d’hivernage du Nord, ils recherchent les côtes rocheuses et les corniches près des eaux agitées où la concentration de glace est minime.
Comme de nombreux autres oiseaux aquatiques, l’Arlequin plongeur mâle quitte l’aire de nidification une fois que l’incubation commence (généralement entre la mi-juin et le début de juillet). Après avoir quitté la femelle, le mâle migre vers les aires traditionnelles de mue pour procéder à la mue annuelle. Les femelles rejoignent normalement les mâles et muent un ou deux mois plus tard.
L’Arlequin plongeur est aussi nommé Canard arlequin; certains Québécois l’appellent également « cane de roches », du fait qu’il passe la plus grande partie de son temps sur les côtes rocheuses océaniques.
Aire de répartition
Sur la côte atlantique, l’Arlequin plongeur y est « espèce préoccupante ». Il habite dans des endroits éloignés souvent inaccessibles. L’Arlequin plongeur est observé facilement dans l’Ouest du Canada où il est encore abondant et peut vivre à proximité des régions urbaines. À l’échelle mondiale, l’Arlequin plongeur est présent sur une vaste aire géographique et forme quatre populations distinctes. Il y en a deux au Canada : la population de l’Ouest, le long de la côte du Pacifique et la population de l’Est, le long de la côte atlantique. Alors que la population de l’Ouest compte environ de 200 000 à 300 000 Arlequins plongeurs, la population nord-américaine de l’Est compte aujourd’hui moins de 1 000 individus. Par le passé, la population de la côte est, qui est en voie de disparition, comptait de 5 000 à 10 000 oiseaux.
Au printemps, les Arlequins plongeurs commencent leur migration vers les aires de nidification à l’intérieur des terres, généralement le long des petits affluents. La migration vers les aires d’hivernage traditionnelles, qui peuvent comprendre les aires de mue, se produit en octobre et en novembre.
Les deux populations sont largement dispersées dans leur aire de répartition. La population de l’Ouest se reproduit en Alaska, au Yukon, en Colombie-Britannique, en Alberta, au Montana, en Idaho, au Wyoming et dans l’État de Washington, et elle hiverne à partir des îles Aléoutiennes, vers le sud, y compris en Alaska, en Colombie-Britannique, dans l’État de Washington, en Oregon et en Californie.
La population de l’Est se reproduit au Labrador, dans le Nord du Québec et sur la péninsule de la Gaspésie, sur l’île de Terre-Neuve et dans le nord du Nouveau-Brunswick. Le Labrador et le Nord du Québec constituent les aires de nidification les plus importantes pour la population orientale de l’Arlequin plongeur en raison de l’abondance des ruisseaux et des rivières aux eaux claires et tumultueuses. Les Arlequins de l’Est hivernent à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et au sud jusqu’en Virginie. Cependant, les principales aires d’hivernage sont situées sur la côte du Maine.
Haut de la pageAlimentation
Les Arlequins plongeurs ont différentes habitudes alimentaires suivant la saison. Au printemps et en été, lorsqu’ils occupent des habitats d’eau douce, ils plongent jusqu’au fond et marchent contre le courant, fouillant le substrat pour trouver des larves d’insectes, comme des mouches noires, des phryganes, des perles et des moucherons. On estime que l’insuffisance de ressources alimentaires limite la répartition des Arlequins plongeurs dans les régions septentrionales.
L’habitat d’hivernage comprend les eaux agitées et les parties rocheuses des côtes. Les oiseaux trouvent leur nourriture en plongeant dans les eaux peu profondes des petits bassins près des rochers balayés par les vagues pour en retirer leurs proies. Ils s’alimentent essentiellement de petits crabes, d’amphipodes, de gastropodes, de patelles, de chitons, de moules bleues et d’œufs de poisson.
L’Arlequin plongeur a besoin de beaucoup de nourriture, probablement en raison de sa masse corporelle relativement petite et d’un métabolisme exigeant, en particulier dans les parties les plus froides de son habitat. Étant donné que les petits oiseaux ont moins de réserves que les plus gros, les Arlequins plongeurs sont moins bien adaptés pour survivre dans un climat extrêmement froid et tempétueux. Il est impératif qu’ils se nourrissent continuellement pour maintenir leur métabolisme.
Haut de la pageReproduction
Les Arlequins plongeurs ont généralement deux ou trois ans lorsqu’ils se reproduisent pour la première fois. On connaît peu de choses sur leur parade nuptiale. La reproduction commence généralement à la fin de mai ou au début de juin. Les couples entretiennent leur lien par des comportements « visuels », comme des hochements de tête, qui sont faits tant par le mâle que par la femelle et qui peuvent inclure des secouements et des inclinations de bec entre les hochements de tête. Les couples se précipitent souvent sur la surface de l’eau au-devant des intrus.
Contrairement aux autres canards de l’hémisphère Nord, les Arlequins plongeurs font généralement leur nid près des cours d’eau à débit rapide. Les observations de nids laissent à penser que les femelles utilisent le même emplacement plusieurs années de suite. Le nid, garni de duvet, peut être construit sur le sol, sous des touffes d’arbustes ou sous des grumes, dans des cavités d’arbres ou sous des corniches ou même sur des rochers. Au début de l’été, la femelle pond de trois à huit oeufs, de couleur crème à chamois pâle, à des intervalles de deux à quatre jours.
La femelle couve les oeufs pendant 28 ou 29 jours. Pendant l’incubation, la femelle ne quitte que rarement le nid pour s’alimenter, se laver et se reposer. Les oiseaux qui couvent restent immobiles et ne bougent que si on les approche de très près. Les nids sont très difficiles à trouver.
La femelle mène les jeunes vers des cours d’eau bien cachés dans les 24 heures suivant l’éclosion. Ils y apprennent à trouver des insectes aquatiques et des larves dans les eaux claires et fraîches. Les jeunes peuvent voler entre le 40e et le 50e jour suivant l’éclosion.
Le taux de reproduction des populations d’Arlequins plongeurs est faible; il peut donc leur falloir plus de temps pour se reconstituer après un déclin par rapport à d’autres populations d’oiseaux aquatiques. Des facteurs comme l’âge avancé au moment de la première reproduction, la faible taille de ponte et la proportion élevée d’oiseaux non reproducteurs certaines années peuvent contribuer à cette faible productivité. On estime que moins de la moitié des femelles nichent en certaines années, peut-être parce que les insectes sont peu abondants.
Conservation
Au Canada, l’Arlequin plongeur est protégé comme oiseau migrateur depuis l’adoption, en 1917, de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, bien que l’interdiction complète de la chasse de l’espèce dans l’est du Canada ne soit entrée en vigueur qu’en 1990. De plus, dans la même année, la population de l’Est a été désignée comme population « en voie de disparition » par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada ou COSEPAC. Il fut redigné comme étant une « espèce préoccupante » en 2001.
Il existe bien des raisons à cette situation. Dans les aires de nidification du Labrador et du Québec, les Arlequins plongeurs trouvent de moins en moins de lieux de reproduction appropriés, étant donné que certains rapides sont retenus par des barrages hydroélectriques. Les régions autrefois éloignées utilisées par les oiseaux pour se reproduire deviennent des emplacements privilégiés pour les exploitations hydroélectriques et minières et la construction de routes d’accès.
Dans les aires d’hivernage, les Arlequins plongeurs sont notamment menacés par les déversements de pétrole et autres perturbations humaines. Les menaces représentées par la perturbation de l’habitat sont renforcées par le fort attachement de cet oiseau à des aires d’hivernage particulières. Parce qu’une grande proportion de la population de l’est nord-américain se concentre le long de la côte du Maine pendant l’hiver, les déversements de pétrole éventuels dans le golfe du Maine sont une source de préoccupation importante. Un déversement dans cette région pourrait avoir de graves répercussions sur l’ensemble de la population. De même, d’autres perturbations humaines dans les aires d’hivernage pourraient avoir une incidence sur leur survie. Les oiseaux ne peuvent pas s’alimenter convenablement s’ils doivent éviter les humains puisqu’ils dissipent ainsi une bonne partie de la réserve énergétique nécessaire à leur survie. Pendant la période de mue, les oiseaux sont particulièrement vulnérables aux perturbations et à la pollution par le pétrole en raison de leur incapacité de voler. L’activité humaine dans les aires d’hivernage et de nidification peut réduire leurs ressources alimentaires.
La nature relativement peu sauvage de l’Arlequin plongeur et sa tendance à s’alimenter près des côtes dans certains endroits le rendent plus vulnérable à la chasse. De plus, comme les femelles et les jeunes sont difficiles à discerner, certains sont abattus par erreur pendant la saison de chasse d’autres oiseaux aquatiques, ce qui constitue une menace sérieuse pour l’espèce.
Il peut également y avoir d’autres raisons pour le déclin de la population de l’Est. La pollution et la détérioration de la qualité de l’eau, ainsi que les précipitations acides et les retombées atmosphériques de métaux lourds dans les aires de nidification peuvent nuire aux insectes aquatiques dont les Arlequins se nourrissent pendant la saison de reproduction.
L’équipe de rétablissement de l’Arlequin plongeur de l’est nord-américain a entrepris des efforts de rétablissement peu après que la population de l’Est a été placée sur la liste des espèces « en voie de disparition » en 1995 puis comme « espèce préoccupante » en 2001. À cette fin, l’équipe a mis sur pied un plan dont les mesures comprennent notamment l’application plus sévère des interdictions de chasse, la protection et l’amélioration de l’habitat, l’élaboration de plans d’intervention dans les cas de perturbations importantes de l’habitat de l’Arlequin plongeur (barrages hydroélectriques et mines), et des programmes pour encourager le public à appuyer les activités de conservation.
Il est maintenant illégal de chasser l’Arlequin plongeur dans les provinces de l’Atlantique, en Ontario, au Québec et dans l’est des États-Unis où la plupart des oiseaux passent l’hiver. La fermeture de la chasse n’a pas été appliquée dans l’Ouest du Canada, où l’on estime que la chasse de l’espèce est rare. Cependant, les derniers renseignements laissent à penser que la population de l’Ouest pourrait être en déclin. Un examen de la situation de cette population et des programmes de surveillance actuels est en cours.
Le public peut contribuer aux efforts de rétablissement en respectant les mesures de conservation. Les chasseurs peuvent également jouer un rôle en consultant des dépliants qui les aideront à identifier l’Arlequin plongeur. On leur demande instamment d’apprendre à reconnaître tous les canards qu’ils pourraient rencontrer afin d’identifier précisément leurs cibles avant de tirer.
Il est essentiel de prévenir les déversements de pétrole et de produits chimiques près des zones fréquentées par les Arlequins plongeurs. Tous les groupes ou les particuliers qui utilisent la mer doivent prendre des mesures pour éviter les déversements de polluants, les évacuations et l’abandon de détritus, quelle qu’en soit la quantité, en mer ou le long de la côte.
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Ressources
Ressources en ligne
Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC)
Cornell University Laboratory of Ornithology (en anglais seulement)
Registre LEP
Ressources imprimées
GODFREY, W. E. Les oiseaux du Canada, éd. rév., Musées nationaux du Canada, réimprimé en 1989, La Prairie (Québec), Éditions Marcel Broquet, en collaboration avec le Musée national des sciences naturelles, 1986.
MONTEVECCHI, et al. Plan national de rétablissement du Canard arlequin dans l’est de l’Amérique du Nord, Rapport no 12 du Comité de rétablissement des espèces canadiennes en péril (RESCAPÉ), Ottawa, Service canadien de la faune, 1995.
ROBERT, M. « Canard arlequin », dans J. Gauthier et Y. Aubry (sous la dir. de), Les Oiseaux nicheurs du Québec : Atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional, Montréal, Association québécoise des groupes d’ornithologues, Société québécoise de protection des oiseaux et Service canadien de la faune, Environnement Canada, région du Québec, 1995, p. 320-323.
© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l’Environnement, 1997. Tous droits réservés.
No de catalogue CW69-4/97-1997F
ISBN 0-662-81765-6
Texte : D. L. Amirault
Photo : Tony Beck