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Fédération canadienne de la fauneEnvironnement et Changement climatique Canada
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Description

Les lemmings sont des rongeurs, voisins de la souris, qui habitent les zones non arborées du Nord canadien. Tous les lemmings ont de petites oreilles largement dissimulées dans la fourrure, de courtes pattes et des queues tronquées. Le lemming brun adulte a une longueur totale de quelque 150 mm, dont 20 mm environ pour la queue. Le poids corporel peut varier beaucoup (entre 55 g et 115 g environ) d’une année à l’autre. Sa fourrure est grise et brune en été comme en hiver. Quant au lemming variable, il a la même taille totale que le lemming brun, mais la queue est plus courte (environ 15 mm). La couleur du lemming variable change au fil des saisons (d’où son nom) : en été, il a le nez noir, les joues grises, les oreilles tachetées de fauve, un collier marron et une rayure dorsale d’un noir plus ou moins prononcé. La mue automnale remplace toutefois le pelage d’été par un manteau hivernal tout blanc et s’accompagne d’une croissance marquée de deux griffes des pattes antérieures, destinées semble-t-il à mieux creuser la neige densément compactée de la toundra.

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Habitat et habitudes

Plus petits mammifères de l’extrême Arctique, les lemmings constituent un élément clé des écosystèmes arctiques. Pour des raisons inconnues, les populations de lemmings connaissent des fluctuations radicales, culminant tous les quatre ans environ pour ensuite s’effondrer presque jusqu’à l’extinction. Comme ces petits animaux figurent en bonne place au le menu de l’hermine, du renard arctique, du Harfang des neiges, du Faucon gerfaut et des labbes, ce mystérieux cycle rythme la vie animale de la toundra.

La plus grande partie du territoire occupé par les lemmings est constituée de pergélisol (sol gelé en permanence) atteignant souvent quelques centimètres de profondeur, où les lemmings sont donc incapables de creuser de profonds terriers pour s’abriter, même en été. Cependant, quand le sol contient une forte proportion d’eau, l’alternance saisonnière du gel et du dégel crée des replis et des sillons qui servent respectivement de terriers et de sentiers aux lemmings. Dans une même région, en été, les lemmings bruns et les lemmings variables choisissent habituellement des habitats différents. Les lemmings variables éliront domicile dans les zones plus élevées et plus sèches, tandis que les lemmings bruns préféreront les dépressions plus humides. Cette séparation correspond aux préférences alimentaires. Par exemple, selon les sources de nourriture disponibles, les lemmings variables recherchent le saule et les canneberges, tandis que les lemmings bruns préfèrent la laîche, la linaigrette de Scheuchzer et certaines sortes de mousses. En hiver toutefois, la descente des lemmings variables vers les terrains plus bas o? la neige plus épaisse offre un meilleur abri tend à faire disparaître cette ségrégation.

Le long hiver arctique est une période critique pour les lemmings, qui, contrairement à de nombreux rongeurs de la zone tempérée, n’hibernent pas. Il est étonnant que ces petits animaux à sang chaud puissent demeurer actifs durant tout l’hiver arctique sans mourir de froid. La petitesse de leurs appendices (oreilles, pattes et queue) est une adaptation visant à réduire la perte de chaleur, et leur pelage est plus épais en hiver qu’en été. À l’approche de l’hiver, les lemmings construisent à la surface du sol de gros nids circulaires faits de laîche et d’herbes finement déchiquetées, qui leur offrent une isolation supplémentaire lorsqu’ils ne sont pas partis à la recherche de nourriture. La neige offre une isolation essentielle aux lemmings, qui s’alimentent dans l’espace subnival (« sous la neige ») formé entre le sol et la neige et qui ne sortent presque jamais à la surface. Dans l’extrême Arctique, sans être exactement chaudes (-25 °C), les températures à l’interface sol neige sont quand même plus tolérables que celles qui règnent sur la couche de neige, et cet écart est critique pour la survie des lemmings.

Caractéristiques uniques

On connaît depuis longtemps les fluctuations énormes des populations de lemmings, qui semblent culminer tous les quatre ans environ. En outre, les populations sont nombreuses sur un immense territoire : 1960, par exemple, s’est avérée une « année à lemmings » dans presque tout l’Arctique canadien. Une foule de raisons ont été avancées pour expliquer ces cycles, depuis la modification du nombre de taches solaires jusqu’aux conditions d’enneigement. Il est probable que les conditions météorologiques jouent un rôle de déclencheur, mais cela n’a pas été prouvé. L’hiver est problématique pour les lemmings, mais la quantité de neige, ainsi que le moment et l’endroit des accumulations peuvent atténuer les risques. En fait, les « années à lemmings » ne surviennent que lorsque la reproduction hivernale a été possible. Malheureusement, on n’a pas encore étudié suffisamment en détail le rôle de la couverture neigeuse pour prouver son rôle dans le cycle de population.

Le cycle démographique se distingue par l’extrême faiblesse des populations au « bas » du cycle. Même si plusieurs espèces de petits rongeurs vivant en climat tempéré présentent également des pics d’abondance à peu près tous les quatre ans, et que certaines d’entre elles atteignent alors des densités beaucoup plus élevées que les lemmings, aucune ne peut rivaliser avec le dépeuplement extrême des lemmings à leur seuil minimal démographique. Une rareté aussi grande fait craindre l’extinction. Cependant, ce « goulot d’étranglement » démographique a probablement pour effet de favoriser fortement les individus les mieux adaptés à la survie dans le rude milieu arctique. Ce cycle à peu près quadriennal peut être une façon pour la sélection de marcher de pair avec les changements qui se produisent continuellement dans l’Arctique.

Une des premières hypothèses avancées voulait que l’alternance régulière des cycles de rareté et d’abondance résulte de l’interaction prédateur proies : quand la proie abonde, le prédateur en réduit le nombre et est ensuite acculé à l’inanition. Cependant, on envisage aujourd’hui le problème sous l’angle inverse. On sait que le taux de nidification du Harfang des neiges et le taux de survie des jeunes renards arctiques sont tous deux liés à l’abondance des lemmings. Très peu de renardeaux ou de jeunes Harfangs, voire aucun, ne survivent sauf lors des « années à lemmings ». La génération de renards nés pendant une « année à lemmings » soutient la population de renards, dont le nombre décline graduellement, jusqu’au prochain point culminant du cycle démographique des lemmings.

Selon une autre théorie, évidente celle là, la population de lemmings serait périodiquement décimée par des épidémies. Plus la population est dense, plus les infections se transmettent rapidement d’un individu à l’autre. Cependant, on n’a trouvé aucune maladie sévissant chez toutes les populations de lemmings en déclin.

Une autre possibilité réside dans l’interaction entre les lemmings et leurs sources d’alimentation. En devenant plus nombreux, les lemmings causent de plus en plus de ravages dans la végétation qui les entoure, jusqu’à ce que la nourriture vienne à manquer. La famine cause la mort de nombreux lemmings, mais permet à la végétation de repousser, et le cycle recommence. On sait que la quantité et la qualité de la nourriture disponible varient selon le cycle des lemmings, mais la relation de causalité n’est pas encore prouvée. Depuis quelques années, les chercheurs s’intéressent principalement aux changements qui surviennent chez les animaux eux-mêmes. Les premières données mesurables proviennent de l’observation que le poids moyen des individus varie d’une phase à l’autre du cycle. Chez plusieurs espèces de petits mammifères, les plus gros individus naissent au printemps des années d’abondance. Les chercheurs examinent maintenant des changements plus subtils qu’auparavant. Par exemple, l’accroissement de la densité intensifie les interactions sociales entre les individus, dont il résulte un stress qui crée un déséquilibre hormonal, lequel peut nuire à la reproduction ou modifier le comportement. Le stress lui-même peut mener à une plus grande mortalité. Les lemmings sont habituellement agressifs entre eux. Si la modification de comportement consiste en un surcroît d’agressivité, moins de lemmings verront le jour et davantage périront.

En Scandinavie, les lemmings deviennent agités en année d’abondance. Dans les régions montagneuses de Norvège, par exemple, les lemmings amorcent leur périple en s’engouffrant dans des vallées pour gagner des terrains plus bas. Un grand nombre finit donc par atteindre la mer ou un grand lac et peut s’aventurer sur les eaux gelées ou se jeter à l’eau, ce qui a donné naissance au mythe populaire voulant qu’ils aient recours au suicide collectif pour régler leur problème de surpopulation. Cependant, cette croyance n’a été corroborée par aucune observation dans l’Arctique nord-américain. De plus, la plupart des lemmings au Canada vivent en terrain assez plat et trop loin de l’océan pour faire une telle migration. Il n’existe aucune légende inuit sur les migrations de lemmings, et il est difficile à croire que les Inuits n’auraient pas remarqué un tel phénomène.

Il est avéré, certes, qu’au cours d’une « année à lemmings », on apercevra souvent un certain nombre d’individus sur la glace des lacs et de la mer, mais ils ne se déplacent pas tous ensemble dans une direction bien déterminée, par exemple le nord ou le sud comme les oiseaux migrateurs, et l’on n’observe jamais de groupes nombreux. Une fois sur la glace, les lemmings courent rapidement, d’ordinaire en ligne droite. On en a déjà trouvé sur des champs de glace jusqu’à 55 km de la terre ferme. On ne sait pas au juste pourquoi les lemmings vont sur la glace des lacs et de la mer au printemps des années de pointe, mais le printemps est une période de bouleversement social en raison des transformations environnementales associées à la fonte des neiges et des changements physiologiques déclenchés par le début de la saison de reproduction.

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Aire de répartition

La répartition des lemmings

Il existe trois espèces de lemmings dans l’Arctique canadien. Deux espèces habitent la toundra continentale à l’ouest de la baie d’Hudson et dans le sud de l’archipel Arctique : le lemming brun Lemmus sibiricus, dont l’aire de répartition s’étend jusqu’aux régions montagneuses du Sud (voir la carte), et le lemming variable Dicrostonyx torquatus, qui a colonisé les îles de la Reine Élisabeth jusqu’aux confins septentrionaux de l’île d’Ellesmere. Les lemmings variables qui peuplent la péninsule de l’Ungava sont généralement considérés comme une espèce distincte, le lemming d’Ungava Dicrostonyx hudsonius.

On trouve des espèces similaires de lemmings dans d’autres pays circumpolaires, comme la Norvège, le Groenland et la Russie. En taxonomie, la discipline qui classifie les organismes, on regroupe le lemming variable et le lemming brun dans la catégorie des microtidés, avec le rat musqué, le campagnol-lemming de Cooper et d’autres campagnols.

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Reproduction

Les mâles comme les femelles peuvent s’accoupler quelques semaines après leur naissance. La proportion de lemmings qui se reproduisent durant l’été suivant leur naissance varie fortement d’une année à l’autre, et semble reliée à la densité de population. Après un an, une femelle est capable de produire trois portées même durant le court été arctique, mais il est rare que cela se produise. La durée de la saison estivale de reproduction dépend de la densité démographique. Si la population est faible, la reproduction se poursuit jusqu’en septembre, mais quand les lemmings abondent, ils peuvent arrêter de s’accoupler en juillet.

Il leur arrive de se reproduire en hiver, mais les ruts estival et hivernal sont toujours espacés de pauses au printemps et à l’automne. On ignore encore totalement comment un si petit mammifère, déjà sous l’effet d’un grave stress thermique, peut trouver assez d’énergie pour s’accoupler en plein hiver arctique, et quels facteurs déterminent le moment de cette reproduction hivernale.

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Conservation

Même si certains individus ont vécu jusqu’à trois ans en captivité, aucun lemming ne survit probablement plus d’un hiver dans la nature, la plupart tombant sous la dent des prédateurs sauvages (sauf en période de mortalité massive, où peuvent entrer en jeu d’autres facteurs comme l’inanition). Dans la saison sans neige, les renards arctiques, les hermines, les Harfangs des neiges, les labbes et les Faucons gerfauts réclament leur tribut. Les loups captureront des lemmings à l’occasion, et même les caribous et les poissons ne les dédaigneront pas. Malgré la sécurité qu’offre le manteau nival, plusieurs chercheurs présents dans la toundra durant la fonte des neiges ont découvert des vestiges de nids de lemmings dévastés par des hermines. Des chercheurs ayant passé quatre hivers dans l’île Devon, au Nunavut, au début des années 70 ont constaté que de 5 à 16 p. 100 des nids de lemmings y avaient été attaqués par des hermines. On a observé un taux encore plus élevé de prédation à l’île Banks dans les Territoires du Nord-Ouest et en Alaska. Le Harfang des neiges, seul oiseau de proie présent en hiver, est mal équipé pour creuser la neige et ne s’attaque qu’aux lemmings s’aventurant à la surface de la neige. Quant au petit renard arctique, il est en mesure de creuser la neige solidement tassée par le vent de la toundra, mais c’est dépenser beaucoup d’énergie pour un maigre repas.

En général, l’activité humaine ne menace pas les lemmings, sauf autour des villages, des mines, des puits de pétrole et des autres emplacements industriels. Le mauvais temps en tue probablement un bon nombre. À l’automne, un temps froid précoce en l’absence de neige peut être fatal; au printemps, durant la fonte des neiges, quand la neige perd son pouvoir isolant, les lemmings peuvent être à la merci des éléments si les conditions se gâtent. Les nids d’hiver peuvent être inondés, et les terriers d’été peuvent être bloqués par la glace lorsque le gel suit un redoux. On sait que les lemmings souffrent d’un certain nombre de maladies infectieuses et portent divers parasites, mais relativement peu d’individus en meurent.

Les Inuits ne mangent pas de lemming et n’en utilisent pas la peau, vraiment trop petite. Mais les Inuits qui vivent complètement ou partiellement du piégeage profitent directement de la prolifération de renards arctiques qui suit chaque année à lemmings.

Un des noms inuit du lemming variable est kilangmiutak, ou « celui qui tombe du ciel ». La légende de lemmings tombant du ciel est commune aux Inuits de tout l’Arctique nord-américain et de la Scandinavie. Elle est probablement issue de l’apparition soudaine des lemmings à l’époque de la fonte des neiges après un hiver de reproduction intensive. Les chamans prêtaient des pouvoirs surnaturels au lemming, et plus particulièrement au lemming variable, auquel ils attribuaient une origine céleste.

Les lemmings constituent un maillon essentiel de la chaîne vitale relativement simple de la toundra, et ils nous aident à mieux comprendre comment même ce simple écosystème peut s’avérer en fait complexe. Les terriers qu’ils creusent transforment le sol arctique. Leurs mœurs alimentaires modifient la composition de la communauté végétale de la toundra. En outre, les trappeurs les apprécient pour une autre raison, car les populations de renards arctiques suivent l’abondance des lemmings. L’influence des lemmings se fait sentir bien au-delà de l’Arctique. En effet, une baisse de la population de lemmings peut se traduire par une surabondance de Harfangs des neiges, qui, pendant un certain temps, reflueront dans le Sud du Canada pour le plus grand plaisir des observateurs d’oiseaux. Pendant ce temps, l’écosystème de la toundra refait ses forces en préparation du déferlement d’énergie qui accompagnera la prochaine année à lemmings.

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Ressources

Ressources imprimées

BANFIELD, A.W.F. Les mammifères du Canada, 2e éd., Presses de l’Université Laval et University of Toronto Press, 1977, p. 171-173 et 179-183.

DELAUNOIS, A. Les animaux du Grand Nord, Saint Lambert (Québec), Les Éditions Héritage inc. 1993, p. 38-41

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l’Environnement, 1994. Tous droits réservés.
No de catalogue CW69-4/31-1994F
ISBN 0-662-98932-5
Texte : W.A. Fuller
Photos : D. Gray et S.D. MacDonald