Description
Il est presque impossible de faire une description type du loup (Canis lupus). De loin, les loups de nombreuses grandes îles de l’Arctique et du Groenland paraissent blancs, mais de près, ils laissent voir des nuances grises, noires ou rousses. Les loups des régions septentrionales de l’Amérique du Nord et de l’Eurasie sont de couleurs diverses. La même bande peut inclure des individus noirs, certains qui sont nuancés de gris brun et d’autres qui sont blancs. Le loup des régions densément boisées de l’Est de l’Amérique du Nord a une couleur plus uniforme. Il est souvent d’un gris-brun poivre et sel comme certains bergers allemands.
Cette variété de couleurs constitue un bel exemple de la sélection naturelle, processus qui permet aux animaux les mieux adaptés à un milieu particulier de survivre. Dans les îles de l’Arctique, où une grande partie du sol est couverte de neige pendant au moins neuf mois par année, le blanc confère au loup un net avantage, ce qui a permis au loup de l’Arctique, dont la livrée est presque entièrement blanche, de survivre. Dans les forêts de l’Est profuses en teintes de gris, de vert et de brun, le pelage du loup gris offre par ailleurs un excellent camouflage. Quand il se déplace furtivement ou qu’il est immobile, le loup se confond avec le paysage et est difficile à repérer.
Les loups de l’Arctique ont un sous-poil très fourni, qui les protège contre les rigueurs de l’hiver. L’adaptation à l’environnement se manifeste aussi par l’habitude du loup de se regrouper pour chasser; cette tactique lui permet de s’attaquer au gros gibier comme le cerf, le wapiti, l’orignal, le caribou, le bison et le bœuf musqué.
Signes et sons
Les hurlements d’une meute constituent l’un des bruits les plus impressionnants des régions sauvages. Il s’agit d’un moyen de communication d’une bande à une autre.
Les loups hurlent souvent spontanément, au lieu de rassemblement de la meute, aussi appelé lieu de rendez-vous. Il peut s’agir d’un « chant de joie » puisque les loups semblent y prendre plaisir. On a déjà observé des loups adultes de l’Arctique séparés de leurs petits par un torrent et hurlant pendant des heures, tandis que les petits s’agitaient frénétiquement de l’autre côté de la rive. Ces hurlements semblaient être une forme d’appel ou d’encouragement. On suppose également que les hurlements servent à avertir les autres bandes de loups qu’un territoire est occupé et à distinguer les meutes entre elles.
Habitat et habitudes
Le loup est un animal territorial : chaque meute occupe un territoire qu’elle défend contre les envahisseurs. La superficie du territoire est très variable et dépend des types de proies disponibles et de leur abondance. Lorsqu’une meute pénètre dans un territoire étranger, il s’ensuit des combats qui se soldent souvent par la mort de certains membres du groupe. Dans la hiérarchie, les loups subordonnés sont souvent rejetés par la meute. Dans ces cas, les loups solitaires peuvent trouver des partenaires et rechercher des territoires inoccupés où ils peuvent établir de nouvelles meutes.
L’habitude de chasser en bande a entraîné l’établissement d’un système complexe de comportements sociaux. Le loup est un animal sociable. Non seulement chasse-t-il en groupe, mais il passe presque toute sa vie avec d’autres loups. En Alaska, au Minnesota, au Michigan (Isle Royale) et dans certaines régions du Canada (le parc provincial Algonquin et les parcs nationaux Banff, Jasper et Wood Buffalo), des études ont montré que la bande, ou meute, se forme autour d’un noyau composé du mâle, de la femelle et des petits. Les autres membres de la meute sont des rejetons des années précédentes ou, plus rarement, des adultes d’une autre bande. Après avoir perfectionné leurs techniques pendant au moins un an, les louveteaux, devenus adolescents, savent chasser. Ils peuvent donc aider à abattre le gros gibier, la proie privilégiée du loup, avec le reste de la bande.
Certaines études sur le loup en captivité montrent que la meute possède une structure sociale très hiérarchisée, dont le noyau est composé d’un mâle et d’une femelle qui dominent les autres membres du groupe familial. Le loup dominant tient sa queue haute, ses pattes droites et il hérisse sa crinière. En sa présence, tout animal subordonné se blottit au sol, les oreilles rabattues ou, s’il est debout, se tient la queue entre les pattes et affiche une attitude craintive.
Les liens de la meute se resserrent en hiver au moment des déplacements et des chasses. L’été, lorsque les louveteaux sont encore petits, les adultes s’absentent rarement pour de longues courses. Il leur arrivera d’aller chasser en groupe, après s’être rencontrés à la tanière ou au lieu de rendez-vous où les petits sont surveillés.
Caractéristiques uniques
Le loup était autrefois diffamé. En Occident, la peur et la haine du loup se sont longtemps reflétés dans des contes tels que « Le Petit Chaperon rouge » et « Le garçon qui criait : Au loup! » Dans ces récits populaires, le loup a la réputation d’être non seulement un maraudeur, mais aussi un tueur de bêtes et d’humains.
L’histoire du « Garçon qui criait : Au loup! » est partiellement vraie, puisqu’il arrive que des loups tuent des bestiaux et des moutons. Mais que penser du « Petit Chaperon rouge »? Pas plus au Canada qu’aux États-Unis, il n’a été signalé que des loups avaient tué des humains. Dès qu’un de ces animaux était aperçu dans une région agricole, la population était autrefois gagnée par la panique. Cette frayeur s’est atténuée au fil des ans : beaucoup de gens savent désormais que des scientifiques étudiant le comportement des loups ont vécu très près de tanières qui abritent des louveteaux sans être jamais attaqués. Ils ont même pu même emporter les petits hors de la tanière sans être molestés d’aucune façon. Les parents réagissent alors en s’éloignant momentanément, puis reviennent pour transporter leur progéniture dans un endroit plus discret pouvant servir de tanière ou les conduire au lieu de rendez-vous de la meute.
Dans les régions où il est chassé ou piégé, le loup devient peureux et très méfiant. Mais, dans les régions éloignées comme l’archipel Arctique canadien, il ne manifeste que très peu de crainte et tolère même le voisinage de l’être humain.
Aire de répartition
Il y a 200 ans, le loup, aussi appelé loup gris, était le plus répandu de tous les mammifères. Il occupait de vastes espaces de l’Amérique du Nord, de l’Europe et de l’Asie; les seuls endroits où il ne pouvait vivre étaient les déserts, les forêts tropicales humides et les sommets des plus hautes chaînes de montagnes.
Le loup habite encore de vastes étendues de l’hémisphère Nord, mais son aire de distribution primitive s’est considérablement rétrécie par suite de la modification de l’habitat et des tentatives des humains de l’exterminer.
En Amérique du Nord, le loup a complètement disparu des provinces de l’Atlantique; il en est de même au Mexique, aux États-Unis (excepté au Minnesota, en Alaska et dans certains États de l’Ouest américain), ainsi que dans les régions fortement peuplées du Sud du Canada. Il est encore commun dans les régions peu habitées du Canada, du Labrador à la Colombie-Britannique, ainsi que dans le Territoire du Yukon et les Territoires du Nord-Ouest.
Le loup roux (C. rufus) était autrefois commun dans le Sud-Est des États-Unis. Il a aujourd’hui disparu à l’état sauvage. Grâce à un programme de reproduction en captivité, l’espèce est maintenant en voie d’être réintroduite dans l’aire qu’elle occupait autrefois.
Alimentation
Les principales proies des loups sont les gros mammifères comme le cerf, l’orignal, le caribou, le wapiti, le bison et le bœuf musqué. Les loups peuvent aussi se nourrir d’une variété de petits mammifères et d’oiseaux, mais ceux-ci ne constituent habituellement qu’une partie de leur régime alimentaire.
Le loup doit dépenser beaucoup d’énergie pour trouver sa nourriture. Diverses études démontrent qu’il chasse en vain neuf fois sur dix le gros gibier. En hiver, il abat ordinairement un animal âgé ou un jeune mais lorsque le nombre de proies diminue, la prédation touche les animaux de tous âges, et un animal n’est parfois tué qu’au prix des efforts de la meute entière. L’été, le menu du loup est souvent composé de jeunes proies nées au cours de l’année et donc plus faciles à capturer.
Les scientifiques peuvent observer le comportement du loup quand il chasse en hiver. Ils le suivent à la piste ou en avion, à l’aide d’émetteurs radio. Récemment, on a utilisé une nouvelle technique de pistage par collier relié à un satellite.
En été, les conditions d’observation sont beaucoup plus difficiles, d’où le peu de données disponibles sur les habitudes des loups en cette saison. Comme les loups voyagent habituellement seuls ou en couples durant la saison chaude, leurs méthodes de chasse peuvent être alors très différentes. D’après des études approfondies faites par un scientifique, la chasse à l’affût jouerait un rôle important durant l’été.
Reproduction
Le cycle de reproduction des loups diffère de celui des chiens. Le chien mâle peut se reproduire en tout temps de l’année, et la femelle tous les six mois. Les loups vivant à l’état sauvage ne peuvent se reproduire qu’une fois par année. En captivité, le loup peut féconder plusieurs femelles. La période d’accouplement varie selon la latitude, mais elle survient le plus souvent en mars et en avril. Après neuf semaines de gestation, ou grossesse, une portée de cinq ou six petits (quelquefois de huit ou plus) voit le jour.
En général, le loup atteint sa maturité sexuelle au cours de sa seconde année. Il arrive que de plus jeunes loups soient aptes à la reproduction, mais cela est exceptionnel. Une bande comprend parfois plusieurs femelles adultes en âge de se reproduire.
Dans une forêt de conifères ou dans la toundra, les louveteaux naissent habituellement dans un terrier creusé dans un sol meuble, par exemple les eskers, dunes formées par les eaux de fonte des glaciers, ou dans un sol de même type. Dans les forêts mixtes, la tanière de mise bas se trouve souvent dans un creux de rocher ou dans une vieille souche de pin. Si la meute n’est pas dérangée, elle reste ordinairement pendant un mois ou plus dans les parages du refuge abritant les petits.
Ces derniers restent dans la tanière pendant environ deux semaines. Quand ils commencent à s’ébattre au dehors, les parents les laissent parfois à la garde d’un autre membre de la bande pendant qu’ils vont chasser. Il arrive parfois que les petits restent sans surveillance une journée entière ou plus. Vers le milieu de l’automne, ils suivent la bande dans ses déplacements et participent avec elle à la chasse et à d’autres activités.
Les jeux auxquels les jeunes loups se livrent fréquemment les aident à préparer leurs techniques de chasse. Les adultes tendent des embuscades à leurs proies ou les détournent vers d’autres loups. Ces tactiques apprises (et non innées) se sont développées au cours de leurs essais maladroits de louveteaux enjoués, qui se cachent derrière un obstacle pour mieux surprendre leurs camarades de jeu. Même en hiver, après avoir presque atteint leur taille adulte, les jeunes continuent à jouer de diverses façons, se pourchassant autour d’un arbre, dans une clairière, ou exécutant une course effrénée sur un lac glacé avec, comme enjeu, un bout de bois ou un rebut quelconque.
Conservation
Depuis longtemps, l’être humain s’adonne à la répression et à l’extermination des loups. Les gouvernements ont déjà accordé une prime (somme d’argent) pour chaque animal abattu. Au Canada, la première prime a été payée en Ontario (appelé alors le Haut-Canada), en 1792. Par la suite, on a adopté ce système dans toutes les provinces et tous les territoires fréquentés par les loups. En 1973, cette coutume n’avait plus cours au niveau provincial et territorial, sauf dans les Territoires du Nord-Ouest. Aboli en novembre 1972 en Ontario, l’octroi de primes pour l’abattage de loups a été remplacé par la Loi sur l’indemnisation des dommages causés au bétail par les loups, qui prévoit le paiement d’indemnités aux fermiers dont le bétail a été attaqué par des loups ou des coyotes. Au Québec, depuis 1984, si des primes sont encore offertes à l’occasion par certaines municipalités, le piégeage et la chasse du loup ne sont autorisés que pendant une certaine période de l’année. La Colombie-Britannique et les provinces des Prairies utilisent désormais des pièges et du poison pour se débarrasser des loups dans les régions où ils sont une menace pour le bétail et le gibier.
Le loup sert d’agent régulateur des populations de gros gibier. Les endroits dépourvus de loups (l’île d’Anticosti, la Pennsylvanie et le Wisconsin en sont des exemples) abritent une population anormalement élevée de cerfs de Virginie qui dévastent les forêts. Parfois, cette surpopulation entraîne une pénurie de nourriture et peut occasionner de grandes famines chez les cerfs au cours de l’hiver. Dans les endroits encore peuplés de loups, le gros gibier étant désormais plus facilement accessible aux chasseurs dans les régions sauvages, la concurrence entre les humains et le loup pour les mêmes proies s’est intensifiée par suite de la diminution du nombre de wapitis, d’orignaux, de cerfs et de caribous.
Les loups ont déjà été exterminés en de nombreux endroits. Toutefois, des excès de cette nature seraient moins à redouter pour l’avenir, car la gestion des populations de loups est de plus en plus basée sur des études biologiques plutôt que sur des réactions émotives. Désormais, les chasseurs et le grand public comprennent mieux que la prédation des cerfs et autre gibier ne justifie pas l’extermination des loups. Il peut arriver que les populations de gibier chutent dangereusement, ce qui tendrait, du point de vue biologique, à justifier certaines mesures de répression. Ces programmes de gestion suscitent toutefois de l’opposition de la part des populations urbaines, toujours en expansion. Ils sont devenus de grands enjeux politiques dans de nombreuses régions de l’Amérique du Nord. Les mesures de contrôle doivent être conçues de façon à remplir certains critères basés sur des données scientifiques bien établies et sur les principes d’une saine gestion des populations fauniques.
Le loup contribue à maintenir l’équilibre écologique des milieux sauvages. Du point de vue humain, il faut reconnaître l’intérêt et la valeur considérables de cet animal remarquablement intelligent. Il serait donc pleinement justifié de lui permettre de survivre dans les diverses régions sauvages ou mi-sauvages du Canada.
Haut de la pageRessources
Ressources imprimées
BANFIELD, A.W.F. Les mammifères du Canada, 2e éd., Presses de l’Université Laval et University of Toronto Press, 1977, p. 270-275.
WOODING, F.H. Les mammifères sauvages du Canada, La Prairie (Québec), Éditions Marcel Broquet inc., 1984, p. 71-76
© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l’Environnement, 1985, 1993. Tous droits réservés.
No de catalogue CW69-4/19-1993F
ISBN 0-662-98634-2
Texte : D.H. Pimlott
Révisé L. Carbyn, 1993
Photo : Bev McMullen