Description
Le pelage de l’écureuil gris de l’Est (Sciurus carolinensis) peut être de deux couleurs, le gris et le noir, ce qui porte les gens à croire (par erreur) qu’il s’agit de deux espèces distinctes. Le noir est souvent la couleur dominante dans le nord de l’aire de répartition de l’espèce, en Ontario et au Québec. Plus au sud, le noir est moins fréquent, et il ne se trouve aucun écureuil noir dans le Sud des États-Unis. Cela porte à croire que le gène de la pigmentation noire traduit une adaptation aux basses températures. Il existe également des écureuils gris de l’Est albinos; aux États-Unis, on a observé de petites populations d’individus entièrement blancs. Il existe, quoique rarement, une variante de couleur rousse; certains individus ont un pelage bicolore, par exemple, un corps noir avec une queue rousse. Il ne faudrait pas confondre les écureuils de ce genre avec ceux d’une autre espèce fréquente dans les forêts du Nord du Canada, l’écureuil roux (Tamiasciurus hudsonicus), ni avec l’écureuil de Douglas (T. douglasii) qui habite la Colombie-Britannique. Ces deux espèces sont de taille plus petite et leur dos, leur tête et leur queue sont roux.
La fourrure de l’écureuil est plus épaisse et plus longue en hiver. Sa couleur varie du gris pâle au noir, et parfois selon la saison. Dans le cas du pelage gris, il consiste en un duvet gris plomb avec de longs jarres rayés, gris et noir, à l’extrémité blanche. Les écureuils dont la fourrure est noire ont généralement un pelage tout noir et lustré, mais l’espèce peut présenter toutes les nuances allant du gris au noir. Une même portée peut comprendre des écureuils gris et des écureuils noirs.
La caractéristique la plus notable de l’écureuil gris de l’Est est sa grosse queue touffue. Le mot latin pour écureuil, sciurus, est dérivé de deux mots grecs, skia, qui signifie ombre, et oura, qui signifie queue. La combinaison de ces deux mots signifie, en gros, que l’écureuil gris s’assoit à l’ombre de sa queue.
La queue de l’écureuil a de nombreuses utilités. Elle joue le rôle de gouvernail lorsque l’animal saute d’endroits élevés; elle sert de couverture durant l’hiver; elle permet d’indiquer aux autres écureuils gris les intentions d’un individu et peut-être même lui sert-elle de parasol. Enfin l’écureuil utilise sa queue pour distraire les prédateurs.
Signes et sons
Des indices typiques révèlent la présence d’écureuils gris de l’Est dans un secteur. En effet, on observe des écales et des coquilles de glands, de noix de caryer et de noyer, de faînes et de pacanes sur le sol, au pied des arbres o? des écureuils ont mangé. En hiver, de petits trous dans la neige ou dans le sol indiquent que des écureuils ont creusé pour trouver des noix cachées à l’automne.
Les pistes d’écureuils gris sont caractéristiques : les pattes de devant laissent une empreinte ronde d’environ 2,5 cm et celles de derrière, une empreinte triangulaire d’environs 6 cm de longueur. Lorsque l’animal se déplace en sautant, les pistes sont groupées par paires, les empreintes des pattes de derrière dépassant un peu celles des pattes de devant. Dans la neige, ces pistes ressemblent souvent à deux points d’exclamation (!!). Au besoin, l’animal peut faire des bonds allant jusqu’à un mètre.
Son cri d’alarme est un claquement rapide, couc, couc, couc, qu’il utilise pour signaler un danger aux autres écureuils des environs. Il arrive que plusieurs écureuils se rassemblent pour dérouter un prédateur; ensemble, ils poussent des cris en secouant la queue. Lorsque deux écureuils s’affrontent, on entend souvent des claquements de dents. Toutefois, le plus souvent, ils poussent des ouisc grinçants accompagnés d’un trémoussement de la queue.
Les gros nids de feuilles sont un indice remarquable de la présence d’écureuils gris.
Habitat et habitudes
L’écureuil gris de l’Est est le plus gros des écureuils de l’Est du Canada. Cet animal se nourrit surtout de fruits à écale (noix, faînes, etc.). Autrefois, son aire de répartition coïncidait avec les grandes étendues forestières de feuillus de l’Est de l’Amérique du Nord, notamment les forêts de chênes et de caryers. Dans l’Ouest du Canada, l’espèce a été introduite dans les parcs urbains. Ainsi, le parc Stanley, à Vancouver, abrite une importante population d’écureuils gris de l’Est introduite en 1914 et, plus récemment, on a mis des écureuils en liberté dans des parcs, à Victoria et à Calgary.
L’espèce a également été introduite en Grande-Bretagne et en Afrique du Sud. Comme on ne trouve pas d’écureuils gris de l’Ouest (Sciurus griseus) au Canada, l’écureuil gris de l’Est est appelé écureuil gris par la plupart des Canadiens.
L’écureuil gris de l’Est passe la plus grande partie de son temps dans les arbres, où il se déplace avec beaucoup d’agilité. Lorsqu’il descend sur le sol pour manger ou pour cacher de la nourriture, il peut atteindre des vitesses allant jusqu’à 25 km/h. Qu’il grimpe à un arbre ou qu’il en descende, c’est toujours tête première, et lorsqu’un danger le menace, l’écureuil gris se déplace discrètement en spirale ou en oblique autour du tronc de façon à être hors de vue d’un prédateur éventuel. Comme autre tactique de protection, l’animal se colle à l’écorce et reste immobile, demeurant ainsi difficile à distinguer.
L’espèce est diurne, mais on peut parfois observer des écureuils gris en train de manger, les soirs de pleine lune. En été, les animaux s’affairent principalement tôt le matin et au milieu de l’après-midi. Les écureuils gris n’hibernent pas; en hiver, ils sortent surtout aux alentours de midi, peut-être parce que c’est à ce moment-là que la température est la plus chaude.
L’écureuil gris de l’Est est un animal qui tolère facilement la présence de ses congénères et qui montre peu d’agressivité. La hiérarchie, chez les mâles et les femelles, s’établit par des manifestations de force ou par des poursuites plutôt que par des combats. Chaque animal possède un domaine vital où il s’affaire à trouver sa nourriture, à construire son nid et à élever ses petits. Le domaine vital des mâles est plus étendu que celui des femelles. L’écureuil gris ne fait pas montre d’un instinct territorial très marqué et de nombreux domaines peuvent se chevaucher. On observe souvent des écureuils en train de se nourrir les uns près des autres, sans faire preuve d’agressivité; en hiver, plusieurs écureuils partagent parfois le même abri aménagé dans un arbre.
Caractéristiques uniques
Si nécessaire, l’écureuil gris de l’Est perdra un bout de queue et des vertèbres, c.-à-d. des os dans le dos, pour échapper à un prédateur, et il n’est pas rare de voir un écureuil gris n’ayant plus qu’une queue tronquée.
Aire de répartition
Haut de la pageAlimentation
Lorsqu’il s’agit de nourriture, l’écureuil gris de l’Est n’est pas difficile et il peut donc vivre dans un large éventail d’habitats. Son régime varie suivant les saisons. Il mange les bourgeons de plusieurs essences de feuillus, notamment de l’érable, au début du printemps. Au cours de l’été ce sont principalement des samares d’érable et d’orme ainsi qu’une grande variété de baies et d’autres fruits sauvages, des graines, des fruits à écale et des pommes. À l’automne, il mange des glands, des noix de caryer et de noyer, des noix cendrées, des faînes et des graines de pin. C’est pendant cette saison qu’il s’affaire à accumuler des provisions; il enterre des centaines de noix et de graines pour l’hiver, saison où la nourriture est relativement rare. Les années où la production de fruits à écale est faible, l’écureuil doit affronter un hiver très difficile.
Contrairement à la croyance populaire, les écureuils ne se souviennent pas de l’endroit où ils ont enterré des provisions, mais ils les retrouvent grâce à leur odorat très développé. Les noix cachées ne sont pas nécessairement toutes retrouvées; certaines germent et donnent naissance à de nouveaux arbres. L’écureuil gris ne dédaigne pas les mangeoires pour les oiseaux et il s’y nourrit souvent tout au long de l’hiver. Il mange également des insectes, des chenilles, et à l’occasion des œufs et des oisillons encore au nid. En moyenne, chaque individu consomme de 400 à 900 g de nourriture par semaine.
Reproduction
L’espèce connaît deux périodes de reproduction par an, la première en janvier et février, et la seconde en juin et juillet. Chaque saison de reproduction dure environ trois semaines. En règle générale, seules les femelles âgées de plus de deux ans sont sexuellement actives au cours des deux périodes. Lorsqu’une femelle est en chaleur, elle pousse, du haut d’un arbre, des cris incessants qui ressemblent à ceux du canard. Plusieurs mâles ont tôt fait de se rassembler, et il arrive que des batailles aient lieu pour déterminer le mâle dominant. Pendant que les mâles se réunissent, la femelle s’agite et se met à passer d’un arbre à l’autre, suivie de près par tous les mâles. Finalement, lorsqu’elle est prête, elle s’arrête et permet au mâle dominant de s’accoupler avec elle, après quoi ce dernier n’a plus aucun rôle à jouer, la femelle élevant seule les petits.
La gestation, ou la grossesse, dure de 40 à 44 jours et, en moyenne, il naît trois petits, les portées pouvant cependant en compter de un à six. Habituellement, les portées sont plus nombreuses en été qu’en hiver. En général, les petits naissent dans un nid chaud et bien protégé aménagé par la femelle dans la cavité d’un arbre. Parfois, notamment durant l’été, ce nid peut être constitué de feuilles si aucune tanière aménagée dans un arbre n’est disponible. L’écureuil préfère aménager son nid dans une cavité à l’intérieur d’un arbre, mais il est souvent forcé de se contenter d’un nid de feuilles à cause de la rareté des abris convenables et des conditions peu hygiéniques de ces abris après plusieurs mois d’utilisation.
Généralement, l’écureuil construit un nid de feuilles près de la cime d’un pin, d’une pruche, d’un érable, d’un bouleau ou d’un chêne de grande taille, à une fourche ou sur une branche près du tronc. Une plate-forme faite de rameaux constitue la base du nid, et des feuilles et des rameaux entrelacés en forment l’extérieur. La plupart du temps pour plus de solidité, la charpente intérieure est faite de feuilles et de rameaux plus étroitement entrelacés qu’à l’extérieur. De la mousse, de l’herbe et de l’écorce déchiquetée tapissent l’intérieur; parfois, l’écureuil utilise du tissu, du papier, des plantes et des plumes d’oiseau.
Les nouveau-nés, nus et aveugles, pèsent environ 15 g. Ils se développent rapidement; au bout de trois semaines, leur pelage est complet et, à quatre semaines, leur queue est bien fournie. Les oreilles se dressent quatre semaines après la naissance, et les yeux s’ouvrent une semaine plus tard. À l’âge de huit semaines, les jeunes écureuils s’aventurent aux alentours du nid. Le sevrage, période où la mère cesse peu à peu d’allaiter les petits, commence alors, et vers l’âge de 12 semaines, les jeunes ont presque atteint la taille adulte et sont passablement autonomes. Les mâlesatteignent la maturité sexuelle entre 15 et 18 mois, et les femelles, à 11 mois. La durée de vie moyenne est inférieure à six ans. On a toutefois signalé des écureuils gris en liberté qui avaient atteint les 13 ans. En captivité, l’écureuil gris peut vivre de 15 à 20 ans.
Haut de la pageConservation
L’écureuil gris de l’Est a de nombreux ennemis; citons, parmi les mammifères, le vison, la belette, le renard roux, le pékan, le lynx du Canada, le lynx roux et le loup. Les jeunes écureuils gris au nid sont parfois la proie des ratons laveurs, des couleuvres et des écureuils roux. On a créé de nombreux mythes au sujet de la rivalité entre les écureuils roux et les écureuils gris, laissant croire qu’ils sont des ennemis acharnés et que l’écureuil roux s’attaque à l’écureuil gris chaque fois qu’il en a l’occasion. En réalité, lorsqu’il y a confrontation, le placide écureuil gris cède habituellement la place à l’écureuil roux, plus agressif, et évite ainsi les batailles.
Les principaux ennemis ailés de l’espèce comprennent l’Autour des palombes, la Buse à queue rousse, l’Épervier de Cooper et, parfois, la Petite Buse. Il arrive que les écureuils gris soient la proie du Grand-duc d’Amérique ou de la Chouette rayée. Toutefois, cela se produit peu souvent étant donné que ces rapaces sont des chasseurs nocturnes et que les écureuils sortent surtout durant le jour. On a même signalé que des écureuils gris qui traversaient un cours d’eau ou un lac à la nage avaient été la proie du grand brochet et du doré. Dans les villes, les chiens et les chats font leur part de victimes, mais les écureuils adultes sont habituellement trop agiles pour se faire attraper. Dans certaines régions, le pire ennemi de l’écureuil gris de l’Est est probablement l’être humain qui le considère comme un petit gibier intéressant. Les humains ont également déboisé de grandes étendues forestières de feuillus, réduisant ainsi de façon importante l’habitat de l’écureuil gris et, par conséquent, le nombre d’individus. Finalement, chaque année, un grand nombre d’écureuils gris sont tués par des automobiles.
L’absence de nourriture entraîne soit la mort, soit un affaiblissement général des populations d’écureuils, les rendant ainsi vulnérables aux maladies et aux parasites. Ces derniers ont des effets néfastes sur la santé et la productivité des écureuils gris de l’Est. Les larves de l’hypoderme sont les plus nuisibles de ces parasites. L’écureuil gris peut également être atteint de la gale, la peau devenant dénudée aux endroits atteints. Les écureuils affaiblis succombent souvent aux froides températures de l’hiver ou aux infections, ou deviennent des proies faciles pour les prédateurs. Les tiques, les puces, les poux, les vers ronds et les ténias sont les autres parasites de l’écureuil gris.
L’importance économique de l’écureuil gris de l’Est est limitée. À l’heure actuelle, les peaux ont peu de valeur; on utilise parfois les queues pour la fabrication d’appâts de pêche. Dans certaines régions des États-Unis, le pâté d’écureuil est considéré comme un mets de choix, mais il ne constitue pas un plat courant. Les chasseurs doivent être rapides et viser avec précision pour atteindre ce gibier agile et furtif. Il est intéressant de noter que l’adresse au tir, développée à un haut niveau par les chasseurs américains d’écureuils au temps de la colonisation, a contribué, au dire d’Ernest Thompson Seton, à la défaite des Britanniques lors de la révolution américaine.
Les écureuils gris de l’Est ne causent pas de dégâts importants aux cultures et, en fait, ils contribuent dans une grande mesure au reboisement. L’habitude qu’ils ont d’enterrer des noix qui finissent souvent par germer contribue au rétablissement des forêts de feuillus dont l’étendue a été grandement réduite par les humains.
L’écureuil gris se montre parfois importun lorsqu’il envahit un grenier, cause des dégâts autour de la maison, déterre les bulbes des jardins ou chasse les oiseaux des mangeoires; toutefois, ses petits défauts sont largement compensés par le plaisir qu’il donne à de nombreux citadins, campeurs et amateurs de plein air.
Ressources
Ressources imprimées
BANFIELD, A. W. F. Les mammifères du Canada, 2e éd., Musées nationaux du Canada, Québec, Presses de l’Université Laval, 1977.
BEAUDOIN, L., et M. QUINTIN. Guide des mammifères terrestres du Québec, de l’Ontario et des Maritimes, Waterloo (Québec), Éditions du Nomade, 1983.
WOODS, S. E. Les écureuils du Canada, Ottawa, Musée national des sciences naturelles, 1980.
© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de l’Environnement, 1983, 1990. Tous droits réservés.
No de catalogue CW69-4/67-1990F
ISBN 0-662-96390-3
Texte : Heather Hamilton
Révision scientifique : D. Smith, 1990
Photo : Tony Beck